Les drapeaux et fanions sont vendus partout dans la capitale. C'est l'effervescence en vert, blanc et rouge. C'est un véritable «tsunami» aux couleurs nationales qui s'apprête à déferler sur Alger. La cause? La sélection nationale est au seuil de la qualification au prochain Mondial. A la veille du match contre le Rwanda, la fièvre populaire est montée d'un cran. Cette fièvre s'est traduite par un foisonnement de drapeaux, fanions, tricots, casquettes, châles et toutes sortes d'habits, mettant au grand jour l'attachement viscéral de tout un peuple à son pays. Virée sur Bab El Oued, microcosme populaire de la capitale, à la rue Colonel Lotfi: les vendeurs à la criée sont au rendez-vous. A tous les coins de rue, les étals se sont mis aux couleurs nationales. «Combien coûte ce drapeau?», demande Seïf Eddine, employé à l'université Houari-Boumediene de Bab Ezzouar. «300 DA!», répond l'un des vendeurs. Un moment de négociations et l'emblème est cédé à 250 DA. Fervent supporter des Fennecs, Seïf Eddine achète aussi, quatre fanions à 100 DA l'unité. «J'ai un enfant et je compte le vêtir avec un ensemble aux couleurs de notre pays. Ensuite, nous défilerons en voiture pour montrer que nous sommes fiers de notre sélection et épris de l'Algérie.» A la rue Franklin-Roosevelt, Hamza tient un espace de vente. Il vient de vendre une casquette à l'effigie de la sélection nationale, à une femme qui l'a offerte à son petit enfant. De son propre aveu, le sympathique Hamza arrive à vendre «plus de 200 tricots par jour». Pour les prix, les emblèmes coûtent 300 DA, les ensembles pour adulte 1200 DA, les tricots 1000 DA, les survêtements pour enfants 1000 DA. «Bien sûr, ces prix sont négociables», affirme le vendeur. Cela dit, le foisonnement des drapeaux aux couleurs nationales appelle les questions suivantes: pourquoi les emblèmes ne sont pas mis à la disposition des citoyens dans des endroits préalablement choisis par les autorités? Comment les vendeurs arrivent-ils à se les procurer? Qui confectionne ce nombre impressionnant d'étendards? Premier élément de réponse: les drapeaux qui flottaient devant le siège de l'Assemblée populaire nationale ont «disparu». Pour autant, le propos n'est pas ici d'incriminer ces vendeurs qui, par leur négoce, donnent couleurs et formes à l'engouement populaire suscité par les derniers exploits des Fennecs. Aussi, cette activité a donné naissance à une véritable «industrie populaire»: la confection de toutes sortes d'accessoires à la gloire de la bande à Saâdane. A «Zeniqat Laârayès» (la ruelle des nouvelles mariées), des ateliers occasionnels ont vu le jour. «Je confectionne des drapeaux pour des vendeurs. De cette façon, j'arrive à subvenir aux besoins de ma famille», avoue une veuve, ayant requis l'anonymat. A Sahat Echouhada, un ensemble de vendeurs ont établi une sorte de «caravansérail footballistique». Des étals couverts sont installés. Derrière les vendeurs, des fleurons juvéniles, se sont transformés en véritables mascottes. Pour ce faire, ils se sont drapés dans deux drapeaux «attachés» l'un à l'autre et coiffés de chapeaux. La vue de ces jeunes nous rappelle la fameuse épopée de Gijon, en Espagne. La musique qui emplit l'endroit fait appel à «Djibouha y a lewlad» (Jeunes, remportez la victoire), le fameux tube du groupe El Bahara de 1982. L'extase nous ramènera à l'année 1975, époque où l'Algérie remporta les Jeux africains. C'est dans ces conditions que naquit l'inimitable refrain populaire «One, Two, Tree, Viva l'Algérie!», un refrain qui a été repris de génération en génération. Ces éclairs du génie populaire sont, malheureusement, moins visibles ces dernières années. En témoignent les titres sans âme cens rendre hommage à Ziani and Co. Qu'à cela ne tienne, à Sahat Chouhada, les jeunes invitent l'une de leur coqueluche à «mettre le feu». Ce dernier se révele un virtuose de la danse. Un fumigène est allumé. La cadence s'accélère. Un homme, apparemment populaire, arrive. Il est happé par ses amis. «Viens l'Egyptien», lui dit en le taquinant, l'un des «farceurs». Pour le qualificatif, il faut reconnaître que le pince-sans-rire a vu juste. Brun et moustache touffue, le «Masri» a l'allure d'un véritable Egyptien. Pour ce soir, croisons les doigts pour les Verts, car leurs exploits font rêver tout un peuple. Alors, chantons tous ensemble «One, Two, Tree. Viva l'Algérie!»