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Les biotechnologies végétales pour booster le développement durable
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 14 - 07 - 2010

Le plus délicat défi que l'humanité doit affronter durant ce XXIème siècle sera indubitablement celui de se nourrir, tout en protégeant le potentiel productif des milieux physiques (sol et climat) et en préservant la biodiversité qu'ils accueillent, reste à relever.
Ce premier siècle de ce nouveau millénaire sera caractérisé par l'inexorable raréfaction des énergies fossiles pétrolifères. C'est donc cette véritable gageure qui a imposé la notion de développement durable sur toutes les lèvres un tant soit peu concernées par la gestion des écosystèmes (biotopes biocénose).
Depuis le rapport Bruntdland (1987), (Our common future : The World Commission on Environment and Development, Oxford University Press) et la conférence internationale des Nations Unies à Rio de Janeiro sur l'environnement et le développement (1992), suivie, en 2002 à Johannesburg par le sommet de la terre sur le développement durable le monde entier ne cesse de disserter sur ce qui est devenu sa préoccupation majeure, voire son obsession. La définition du développement durable, proposée par le Premier ministre norvégien, Mme Gro Harlem Bruntdland, «qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs» fait écho à la sagacité de Saint-Exupéry qui énonçait très pertinemment que nous n'héritons pas la terre de nos parents mais que nous l'empruntions à nos enfants.
En réalité, les concepts vertueux afférents à la gestion durable des ressources recouvrent en fait des problématiques complexes de natures très diverses, sociétales, sociales, politiques, culturelles, économiques, environnementales, juridiques et scientifiques.
L'organisation, le 1 et 2 juin, par le laboratoire de Biotechnologie des Rhizobiums et Amélioration des plantes de l'Université d'Oran et l'Agence National de Géologie et Contrôle minier (ANGCM) de journées scientifiques et techniques sur les symbioses végétales et leurs utilisations biotechnologiques dans la réhabilitation des carrières et des sites miniers, est une occasion pour faire le point sur les connaissances et l'action sur le terrain. Le colloque qui réunit, au campus de Belgaïd dans l'auditorium de la faculté de Droit, les scientifiques algériens et français avec les opérateurs économiques du secteur minier. En plus des conférences animées par les spécialistes, des tables rondes seront organisées sur le renforcement de la coopération scientifique (formation et recherche) franco-algérienne. Les organisateurs saisiront cette opportunité pour officialiser la convention de coopération signée récemment entre l'Institut de Recherche et Développement (IRD, France) et l'université d'Oran.
La sortie sur terrain des experts, chercheurs, décideurs et étudiants sera une occasion de se rendre compte de la réalité du terrain, des efforts accomplis mais surtout ceux qui restent à consentir. La coopération entre Le laboratoire de biotechnologie des Rhizobium et amélioration des plantes et l'ANGCM a d'ores et déjà enregistré quelques beaux succès dans la bioremédiation des sablières de Sidi Lakhdar (Mostaganem), mis en exergue lors du précédent colloque scientifique et technique sur la réhabilitation des sites miniers. (Université d'Oran, IGMO, du 12 au 14 mai 2009).
Les uns et les autres entendent récidiver sur les sites de Terga (Mascara). Ces visites permettront aussi d'évaluer les possibilités de stages pratiques pour les étudiants de LMD «Biotechnologie», ce qui est de nature à dynamiser les interactions positives entre universitaires et opérateurs économiques. D'une manière générale, ces journées scientifiques illustreront sans doute une belle articulation du triptyque Recherche-formation-production.
Le développent du pays implique une mobilisation croissante des ressources minières. En effet l'exploitation des sablières et autres carrières est évidemment indispensable au dynamisme économique. Cette activité s'accompagne de dommages collatéraux sur l'environnement, aussi inévitables que préjudiciables.
Ils le sont d'autant plus que la réglementation du pays est insuffisante ou n'est pas observée. Le secteur minier algérien à l'instar d'autres secteurs manifeste une volonté réelle à nouer des partenariats avec les compétences scientifiques nationales pour remédier aux agressions subies par l'environnement. D'importants espaces sont ainsi impitoyablement soustraits chaque année à la biodiversité. La prise en charge des valeurs environnementales est induite par la compétition, aujourd'hui patente, que se livrent les compagnies minières pour l'accès aux différents sites d'exploration et d'exploitation. Or l'affichage d'une attitude responsable vis-à-vis de l'environnement est un moyen pour les opérateurs d'être crédibles et concurrentiels. Quoique la prise de conscience de la nécessité de réhabiliter les sites exploités soit récente, les premiers balbutiements se traduisent progressivement en actions concrètes sur le terrain.
L'envergure de l'ANGCM lui confère la capacité de faire sienne l'exigence de ne plus abandonner les sites après l'exploitation. Sa coopération avec le Laboratoire de biotechnologie des Rhizobiums et amélioration des plantes de l'université d'Oran reflète sa détermination d'adopter les hauts standards environnementaux. Le corollaire de cette politique responsable et une disponibilité pour financer les études d'impact, des recherches sur la réhabilitation et la restauration écologique. En effet, un site minier subit des stress importants sur les plans physique, chimique et biologique. Une bonne politique de réhabilitation doit atténuer toutes ces contraintes pour impulser une biodiversité végétale susceptible d'émerger en pôle attractif pour maintes activités économiquement et socialement bénéfiques. Le choix stratégique de la bioremédiation s'appuie sur les interactions positives entre plantes et microorganismes qu'ils convient de potentialiser pour aider la nature à réagir avant que l'érosion sur ces sols nus ne rende les choses irrémédiables.
Les activités extractives agressent d'autant plus violemment l'environnement, qu'ils utilisent des engins puissants. En plus de l'impact esthétique négatif, les sites laissés à l'abandon n'ont pas de sol, digne de ce nom, c'est-à-dire capables d'accueillir spontanément un couvert végétal agréable et efficace. Ces sites sont généralement abiotiques et fortement soumis à l'érosion. Lorsque la réparation des dégâts causés n'entend ne pas se limiter à un reverdissement sommaire des sites, sorte de sparadrap qui soulignerait des plaies béantes, leur réhabilitation passe par plusieurs niveaux d'interventions. Elle doit se poursuivre jusqu'à une restauration écologique. C'est le niveau d'intervention le plus abouti où la revégétalisation aura pour rôle essentiel de :
w Faciliter l'installation des espèces pionnières retenues en créant les conditions favorables à leur installation. La végétation que l'on envisagerait de mettre en place doit être adaptée à la nature du sol qui lui servira de support et se composer de préférence d'espèces locales. Pour aboutir à une remise en état des lieux qui optimise la valeur écologique future du site, un certain nombre de mesures doivent être prises. La reconstitution d'un sol capable d'accueillir et de répondre aux exigences des végétaux introduits est souvent un préalable.
w D'initier une vie biologique des sols. Les sols des sites exploités sont squelettiques, stériles. La réhabilitation de leur fertilité peut se baser sur la restauration de leur biologie. La maîtrise par le laboratoire des interactions plantes-microorganismes de l'université d'Oran qu'il s'agisse des bactéries fixatrices d'azote, pivot de la productivité végétale ou des champignons mychoriziens est utile pour optimiser le comportement du matériel végétal sélectionné pour La revégétalisation en milieux à fortes contraintes. L'utilisation des biotechnologies et in fine l'instrumentalisation de cette véritable coopération qui existe entre les champignons, endomychoriziens notamment, et qui intéressent pas moins de 80% des végétaux, d'une part et, des bactéries fixatrices d'azote, principalement du genre rhizobium, et la grande famille des légumineuses, d'autre part, est une réponse adéquate scientifiquement. Les légumineuses, rebaptisées Fabacées dans la nouvelle classification phylogénique des angiospermes, sont une famille importante, la troisième du règne végétal est d'un cosmopolitisme très étonnant. Beaucoup d'espèces sont adoptées par toutes les civilisations pour leur qualité nutritionnelle due à leur richesse en protéines. Elles se retrouvent sous forme de pois-chiche, dans notre couscous national, d'haricots dans la cuisine tex-mex ou de soja, alors là, sous toutes les formes, chez les Asiatiques. Mais les légumineuses n'ont pas fini de nous séduire et elles seront de plus en plus sollicitées pour dynamiser divers écosystèmes.
w D'accélérer la succession naturelle des espèces en reconstituant la biodiversité même si le retour à l'état initial ne peut se concevoir qu'à long terme. Cependant les sites ainsi aménagés ne sont plus sujets à l'érosion, autrement dit l'Algérie physique ne fout plus le camp à la mer par petits bouts. La valorisation des sols et la réhabilitation durable des territoires resteront toujours un investissement forcément gagnant, une fois que la biodiversité reprend ses droits.
Les deux premières phases sont cruciales et c'est là que l'intervention de l'expérimentation et la recherche scientifique apportées par le laboratoire des interactions plantes-microorganismes est déterminante.
La revégétalisation encadrée par l'expertise d'un laboratoire, lui-même bénéficiant d'une coopération française pointue, permet d'espérer atteindre des résultats en conformité avec les standards environnementaux internationaux. Ainsi conçus les milieux réparés tirent rapidement profit des potentialités biologiques du sol, la fixation biologique de l'azote et la mycorhization pallient les carences nutritives. La création d'un microclimat favorisera la germination des espèces adaptées choisies. Ce choix prendra en compte les espèces pionnières et les espèces natives. Il portera aussi sur les associations d'espèces et leur succession à plus long terme. Il apparaît que, quel que soit le site, l'utilisation d'espèces fixatrices d'azote est bénéfique, voire indispensable au succès de la réhabilitation.
L'exploitation de carrières relève du code minier ; l'ouverture d'un site d'exploitation est donc soumise à autorisation et requiert d'inclure un plan de réaménagement dès la mise en place du schéma d'exploitation afin d'atténuer et/ou compenser les impacts induits. Les sites de carrières en fin d'exploitation sont susceptibles de constituer des espaces à forte biodiversité. Le réaménagement écologique de ces milieux permet de retrouver des espèces remarquables voire protégées inféodées à des biotopes particuliers.
La réhabilitation des sablières et des carrières requiert une connaissance précise des enjeux de biodiversité et des compétences techniques en matière de réaménagement. Dans ce cadre de reconquête d'espaces favorables au développement des communautés végétales, le génie écologique va permettre de recréer une variété de types d'habitats qui ont tendance à disparaître ou à se raréfier dans la nature sous l'influence des activités humaines.
«Savoir pour prévoir, afin de pouvoir», Sans lire dans le marc de café, il y a fort à parier que les différents acteurs de l'environnement et protagonistes de cette concertation sauront faire la leur cette fameuse citation de Paul Claudel. Avec un zest de persévérance et d'attention des pouvoirs publics, l'Algérie réussira à hisser l'exploitation minière des sablières et carrières au niveau des normes environnementales internationales. Et se sera tout bénef pour le développement durable.
* université de Mostaganem.


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