Depuis l'affaire des imams qui ont refusé de se lever au moment où l'hymne était entonné, au motif qu'il serait une «bidâa», le ministre des Affaires religieuses et des Wakfs, M. Bouabdallah Ghlamallah, multiplie les rappels à l'évidence. S'adressant à des imams et à des morchidates nouvellement diplômés, le ministre a souligné que l'imam doit allier «amour de l'Islam et amour de la patrie», «être conscient de la place qu'il occupe dans la société» et être par conséquent «proche de la culture de sa société». Selon lui, l'imam doit œuvrer à la préservation de la cohésion de la société et il lui incombe «d'unifier les rangs, de propager les valeurs d'amour, de ne pas imposer aux fidèles des modèles étrangers mais d'œuvrer à consolider leur culture propre». Toujours sur le même registre, M Ghlamallah a souligné que l'imam «n'est certes pas un historien, mais il doit se référer, de temps à autre et lors de la célébration des dates nationales, aux événements nationaux et aux personnalités ayant marqué l'histoire du pays». A l'évidence, le ministre des Affaires religieuses a des difficultés pour situer exactement les raisons qui ont poussé des imams à refuser de se lever au moment où l'hymne national était entonné. D'après les récits de presse, ces imams ont été eux-mêmes surpris par l'ampleur des réactions face à leur attitude qui leur semblait «normale». Ces imams sont en effet les produits de l'enseignement qu'ils reçoivent et des affiliations qui, à l'ère des satellites et de l'internet, ne sont plus nationales. Une sorte d'homo-islamicus, sans attache nationale, se façonne par les chaînes satellitaires et l'internet. Ces courants, qui se veulent apolitiques, professent une vision du monde et de l'islam des plus rétrogrades. Certains croient toujours que la terre est plate M. Glamallah semble avoir découvert - ce qui est quelque peu étonnant - qu'il existe un salafisme prétendument scientifique en Algérie qui, dans le meilleur des cas, considère les symboles nationaux comme des vétilles. Sous un «apolitisme» apparent, ce courant - lié à l'Algéro-Saoudien Aboubakr Al-Djazaïri - ne cache pas une attitude rétrograde aussi bien vis-à-vis des symboles nationaux que par exemple devant les femmes ou certaines fêtes traditionnelles comme le Mouloud ou la fête du septième jour de la naissance d'un bébé. Sans compter des exigences très rigoureuses en matière d'accoutrement. Les familles affligées d'un «salafiste scientifique» souffrent depuis longtemps de ce zèle religieux présumé apolitique. Elles souffrent de ces imams qui, pour reprendre la formule du ministre, imposent «aux fidèles des modèles étrangers» au lieu «d'œuvrer à consolider leur culture propre». A juste titre, les autres courants islamistes, les frères musulmans du MSP, de type frériste, considèrent que les autorités ont joué avec le feu en s'appuyant sur ce courant en raison de son «apolitisme». Se lever au moment où l'hymne national est entonné est «un rappel du million et demi de martyrs et de tous les martyrs tombés au champ d'honneur pour ce pays depuis 1830" et non «une bidâa». Encore une évidence. L'inculture de ces imams, incarnation frustre de cet «homo-islamicus» sans patrie, ne leur permet pas de saisir que l'Algérie est le pays des martyrs et que les honorer est un devoir élémentaire d'Algérien. Le ministre, qui évoque une mentalité «rétrograde», a souligné que «nous n'avons pas présenté ces imams devant le conseil de discipline ni devant la justice (...), notre souci étant d'éduquer, non de punir», a-t-il déclaré. Noble souci à tout point de vue. Il faut en effet enseigner la science moderne à des imams dont certains continuent à croire, comme un ancien dignitaire saoudien, que la terre est plate.