Les dénonciations de la politique du gouvernement français à l'égard des étrangers qualifiée de «racisme d'Etat» par la députée verte Eva Joly ne se limitent plus à l'opposition de gauche. Des hommes d'église et des représentants de la droite française affichent ouvertement leur inquiétude devant la dérive vers la droite extrême d'un président français en forte baisse de popularité. En s'attaquant au principe d'égalité entre Français, inscrit à l'article premier de la Constitution, il croyait faire une bonne affaire politique. Celle qui consiste à faire oublier ses échecs économiques et politiques en incitant les Français à croire que tous les maux viennent des étrangers et des Français d'origine étrangère. Un mois de battage et d'annonces sur ce thème n'ont guère amélioré la popularité du président français. Après un sondage IFOP pour Le Figaro aux questions très orientées et qui a été fortement critiqué pour sa méthodologie, les chiffres de plusieurs sondages tendent à accréditer que les Français, y compris dans les classes populaires, ne sont guère dupes de la manœuvre. Dans le meilleur des cas, Nicolas Sarkozy est crédité de + 2%, alors que deux autres sondages le donnent en baisse d'un point. La ficelle sécuritaire était trop grosse. Les Français n'oublient pas que M. Sarkozy est en charge depuis une décennie de la sécurité. Et que c'est son propre constat d'échec qu'il fait. Le plus grave pour de nombreux Français, de droite comme de gauche, est qu'en faisant l'amalgame entre l'insécurité et l'immigration et en essayant de jouer sur la haine de l'étranger, Sarkozy s'attaque à l'esprit même de la République et aux idéaux de la Révolution française. Beaucoup évoquent la période malsaine des années trente où les juifs servaient de repoussoir pour des politiciens démagogiques. Aujourd'hui, ils sont remplacés par les Roms, les beurs et les blacks. Les Français, c'est une excellente nouvelle, paraissent majoritairement insensibles à la manœuvre. A l'évidence, ils n'aiment pas qu'on essaie de se moquer de leur intelligence. Il faut dire également que même au niveau de la droite, des hommes politiques, contrairement à l'affligeante Rachida Dati qui s'est fendue d'un article très alambiqué, réagissent avec fermeté contre la dérive de Sarkozy. C'est le cas de Dominique de Villepin qui prend ouvertement le flambeau de l'opposition républicaine de droite, qu'il ne veut pas voir sombrer dans le nouveau pétainisme, celui qui consiste à être plus lepéniste que Le Pen. Villepin est même plus rude dans ses critiques que l'opposition de gauche en estimant que Sarkozy a mis une «tache de honte» sur le drapeau français. Certains cherchent à n'y voir que la vengeance d'un homme que Sarkozy a essayé de noyer par voie judiciaire. Mais il est difficile de ne pas voir également une continuité entre le Villepin qui s'est opposé à l'aventure guerrière de Bush et qui a maintenu une politique étrangère équilibrée. Dans ce domaine aussi, il est effectivement tout le contraire d'un Sarkozy atlantiste et pro-israélien. Mais s'agissant des dangereuses manœuvres politiciennes en cours, Villepin et de nombreux hommes politiques, de droite comme de gauche, ont le souci, hautement patriotique, de se refuser à accepter que des ambitions politiques puissent utiliser comme carburant la division entre Français. Ces femmes et ces hommes sont des résistants.