La députée écologiste européenne, Eva Joly, a peut-être choisi des mots assez durs pour décrire la «politique sécuritaire» suivie par Nicolas Sarkozy et qualifier le débat sur l'identité nationale engagé en France. Selon cette ancienne magistrate, l'intention du président français de retirer la nationalité française à des citoyens français de souche étrangère s'assimile à un «racisme d'Etat» et constitue en soi une menace pour la «droite démocratique» dans le pays de la plus vieille démocratie au monde. Une simple dérive de langage ? L'opinion de Mme Eva Joly est loin d'être une simple dérive de langage d'une eurodéputée de gauche décidée à en découdre avec un adversaire politique avec lequel elle ne partage pas beaucoup de valeurs républicaines. Une voix qui n'est ni seule, ni isolée en France et en Europe. Dans des propos, certes moins tranchants, le président du sénat français, Gérard Larcher, a lui pris ses distances avec le projet de loi sur la déchéance de la nationalité annoncé par le président français. En homme de loi, il n'ignore pas qu'une telle dérive républicaine conduirait, inévitablement, à remettre d'actualité la question de savoir qui est français de souche et qui est français en sursis, sachant qu'en France deux citoyens sur trois ont des filiations étrangères. Exactement comme Nicolas Sarkozy dont le papa, un juif hongrois, n'a mis les pieds en France que bien après les mineurs maghrébins et les chairs à canons de la première guerre à Verdun. Curieusement, les plus farouches partisans d'une révision du code de la nationalité française portent des noms à forte consonance étrangère : Martinez, Gonzales ou Sarkozy. C'est dans des régions comme le comté de Nice, rattaché à la France bien après les «Départements français d'Algérie», que se recrutent paradoxalement les plus virulents adeptes du racisme d'Etat. La Bretagne, pays d'origine de la famille Le Pen est française depuis seulement quelques siècles. Pour identifier celui qui est français à part entière de celui qui ne l'est qu'à moitié, le tout est de savoir à quelle date il faudrait arrêter les comptes. En fait, la démocratie française sous l'ère Sarkozy se réserve aujourd'hui plus ouvertement qu'auparavant le droit de choisir non pas seulement ses immigrés mais aussi ses citoyens. Le tri est fait en fonction de critères de race, de culture et de religion. C'est un choix culturel ancré en fait dans les esprits depuis la nuit des temps et auquel Sarkozy veut donner seulement un habillage juridique. Zidane est français et si (pour l'instant) ni Sarkozy, ni Marine Le Pen ne le contestent ouvertement, c'est parce qu'il a offert à la France sa première coupe du monde de football. Par contre, le musulman français et néanmoins étoile du foot, Anelka, a semble-t-il cessé de l'être dans l'esprit de la France gauloise et serait redevenu un «noir musulman» ou un «simple immigré» après sa mésaventure en Afrique du sud avec Raymond Domenech. La France découvre encore que le délinquant Stéphane Aït Idir n'est pas français mais franco-algérien. On prend Zidane et on renvoie Stéphane. Le débat fait partie d'une stratégie Le débat controversé sur le retrait de la nationalité française est l'un des volets d'une même stratégie mise en place par Nicolas Sarkozy pour élargir au maximum sa base électorale. En chute libre dans les sondages pour n'avoir pas pu proposer de vraies solutions pour s'assurer le capital de confiance de son électorat à moins de deux ans des prochaines présidentielles, il pique ses meilleures recettes au Front National et jusqu'à son vocabulaire. De la «racaille» des banlieues à la burka, il pousse la provocation plus loin encore avec le retrait de la nationalité française pour ceux qui tireront sur la police. Les musulmans et les noirs bien sûr. Un racisme d'Etat. Si pour son malheur la France accordait en 2012 sa confiance à Nicolas Sarkozy, il faudrait alors qu'elle cherche un pays d'accueil pour ces futurs apatrides.