Dépourvue de ressources énergétiques fossiles, la Jordanie a découvert en 2007 un important gisement d'uranium estimé à 70.000 tonnes. Le gisement, classé parmi les dix premiers dans le monde, permet à la Jordanie d'espérer atteindre, à terme, une indépendance énergétique qui lui fait cruellement défaut. Ainsi que le permet le TNP (Traité de non-prolifération), ce pays a annoncé son intention de maîtriser l'ensemble du processus allant de l'extraction de l'uranium à la production d'électricité. Amman envisageait également de transformer sur place son uranium afin de fournir la matière première - le yellow cake - destiné à être enrichi pour servir de combustible aux futures centrales jordaniennes. C'était sans compter sur les «angoisses sécuritaires» d'Israël, le seul Etat disposant d'armes nucléaires dans la région, et avec le souci existentiel des Etats-Unis de lui assurer le monopole des armes et du savoir. Les Américains exercent de fortes pressions sur les Jordaniens pour renoncer à l'enrichissement. Ils veulent que le Royaume hachémite cesse de se prévaloir comme le font les «affreux» iraniens ! de ce que le TNP autorise expressément, notamment en son article 4 qui garantit le «droit de tous les pays à utiliser l'énergie nucléaire pacifique dans la recherche et le développement». Au lieu de «copier» les Iraniens qui ont le défaut de chercher «à tout savoir», y compris les techniques d'enrichissement, les Américains demandent aux Jordaniens de faire comme les Emiratis. Ces derniers ont en effet conclu avec les Etats-Unis un accord bilatéral au terme duquel ils peuvent acheter des centrales clés en main et renoncent au droit, reconnu par le TNP, de développer une technologie nucléaire sensible (enrichissement de l'uranium, construction d'une usine d'eau lourde). Le roi Abdallah n'a pas apprécié ce manque de confiance des amis américains qui le traitent comme un «Iranien» - et encore moins les spéculations sur un éventuel coup d'Etat qui ferait tomber une Jordanie nucléaire entre des «mains inamicales - et a fixé la ligne : «aucune limitation» du programme nucléaire jordanien ne sera acceptée. Mais la Jordanie n'est pas l'Iran. Et si elle croit profondément en son droit d'enrichir l'uranium, elle ne peut se permettre d'entrer en confrontation ouverte avec le géant américain. Les Jordaniens ont conclu des accords avec les Japonais, les Français, les Canadiens mais les Américains refusent et exigent qu'Amman s'aligne sur les Emiratis. Un responsable à la Commission à l'énergie atomique jordanienne a dit espérer parvenir à un «compromis» avec les Etats-Unis avant la fin de l'année. Ce «compromis» consisterait à ce que les Jordaniens extraient leur uranium mais n'engagent pas «maintenant» des activités d'enrichissement. En clair, pour reprendre un terme en vogue dans la région, Amman ferait un «moratoire» sur les activités d'enrichissement mais ne renoncerait pas à ce droit pour l'avenir. C'est clairement dit par le responsable en question. Dans dix ans, a-t-il expliqué, la technologie d'enrichissement de l'uranium pourrait «devenir plus accessible et moins chère». Il n'est pas sûr que les Américains acceptent ce «moratoire» qui préserve le droit des Jordaniens. Mais il est clair que ce compromis est infiniment meilleur que la reddition sur le «modèle émirati» que les Américains veulent imposer aux pays de la région, tout en interdisant que l'AIEA s'intéresse aux activités nucléaires israéliennes.