Les Américains ont lancé une «travel alert» à l'intention de leurs ressortissants sur les risques d'attentats en Europe. Le communiqué du département d'Etat fait état d'informations qui «suggèrent qu'Al-Qaïda et les organisations qui y sont affiliées planifient des attaques terroristes» en Europe et que ces attaques pourraient viser «les réseaux de transport public» ainsi que les «infrastructures touristiques». Le niveau de la mise en garde se situerait juste avant l'avertissement formel conseillant aux Américains de ne pas se rendre en Europe. L'alerte ne gêne pas certains responsables européens qui ont déjà embrayé pour des raisons électorales sur le registre sécuritaire. D'autres ont essayé de dissuader les Américains de lancer une alerte en l'absence d'une menace précise. Car des annonces à tout-va relèvent du pur alarmisme. La communication en matière de menace terroriste peut aller du souci raisonnable de maintenir la vigilance des populations à celui, bien moins respectable, de manœuvres politiciennes pour agir sur la peur. L'équipe de Bush a été orfèvre dans ce genre de manipulations, d'autant plus redoutables que le discours rationnel a peu d'impact face à des médias qui font de la «menace» un sujet facile. En théorie, une menace terroriste ne donne pas de rendez-vous : elle est toujours potentielle et les services de sécurité s'y adaptent en permanence. Outre les dispositifs structurels, un important travail de renseignement est effectué. C'est donc une action durable et silencieuse qui peut solliciter de manière raisonnable la vigilance de la population. L'usage immodéré des alertes grand public est contre-productif. En France, la nouvelle sur une femme kamikaze qui aurait été sur le point de se faire sauter a été accueillie avec dérision par une partie des Français mobilisés contre la réforme des retraites. Un responsable sécuritaire français a fini par admettre que cette annonce n'était pas «crédible», mais bien après les manifestations syndicales Il ne s'agit pas pour autant de cultiver par principe le soupçon contre les annonces officielles sur l'existence de menaces, mais on ne peut nier qu'il existe une forte tendance à l'exagération politiquement motivée. Que signifie lancer une alerte vague sur la possibilité que les transports publics et les sites touristiques soient ciblés ? Le champ est tellement vaste que cela renvoie à la formulation fameuse et impossible à contredire de «Robocop» : en ce moment, un crime est en train de se commettre. Faut-il, comme au Far West, que les touristes soient armés ? Aux Etats-Unis, sous le règne des néoconservateurs, ceux qui osaient mettre en doute ces menaces étaient tout bonnement accusés de ne pas vouloir la sécurité des Américains L'alerte «européenne» du département d'Etat paraît relever du même répertoire alarmiste, qui a toujours les moyens de se justifier. Dans le pire des cas, on dira qu'il existe des informations confidentielles, des renseignements qu'on n'a pas besoin de lancer en pâture au grand public On se souvient encore de la fameuse alerte lancée par l'ambassade américaine en avril 2007 sur une alerte d'attaque «imminente» contre le siège de la télévision algérienne et la Grande Poste, au centre d'Alger. Relayée par les chaînes satellitaires, l'alerte avait créé un climat de psychose. L'ambassade US avait à l'époque rejeté les «spéculations inappropriées» - qui évoquaient des arrière-pensées politiques - en affirmant qu'elle était légalement tenue de partager toute information «crédible» sur un danger potentiel contre les ressortissants américains en Algérie. Mais que veut bien dire «crédible» dans ces situations ?