Crise à l'USMA. Haddad contre Allik. C'est la première épreuve dans la marchandisation du football algérien. C'est l'histoire classique d'un invité qui veut les clés de la maison après avoir épousé la fille de ses hôtes. Ali Haddad, patron de la plus grande entreprise privée algérienne de travaux publics, l'ETRHB, richissime hommes d'affaires, est en effet sur le point de renvoyer les anciens dirigeants de l'USMA, ceux-là mêmes qui avaient fait appel à lui pour sauver le club et lui donner un nouvel élan lors du passage au professionnalisme. Ils pensaient trouver un mécène, ils se retrouvent avec un homme d'affaires plutôt envahissant. Les choses semblaient pourtant bien engagées. Saïd Allik, inamovible président de l'USMA depuis bientôt deux décennies, s'était rapproché de Ali Haddad pour renflouer les caisses du club et sortir du cercle de l'endettement. Dans les milieux sportifs d'Alger, on murmurait alors que Haddad était initialement intéressé par le Mouloudia d'Alger et la JSK. A la JSK, il avait trouvé en face de lui un autre homme très ambitieux qui n'acceptait aucune tentative de grignoter le pouvoir absolu qu'il détient sur le club : Mohand Cherif Hannachi. Discrètement entré à la JSK par le biais du sponsoring, Haddad avait rapidement compris que la citadelle était bien gardée. On voulait bien de son argent, mais on ne voulait pas de lui. Au Mouloudia d'Alger, ce fut le même échec. Les dirigeants, anciens et nouveaux, avaient tissé une toile autour du club pour être les seuls à pouvoir se battre pour en garder ou en prendre le contrôle. La bataille se jouait donc en famille et personne, en dehors de ces cercles, n'était autorisé à y prendre part. Haddad n'avait même pas réussi à trouver un tremplin. Finalement, après ses échecs répétés de prendre le contrôle du Mouloudia ou de la JSK, Haddad s'était contenté de l'USMA où les portes lui furent largement ouvertes. Saïd Allik pensait trouver enfin l'allié financier qui allait permettre à son équipe de changer de monde. Avec un budget avoisinant les vingt milliards, l'USMA devait jusque-là se contenter de seconds rôles, loin derrière les grosses cylindrées, Sétif et la JSK, qui carburaient autour de cinquante milliards par an. Haddad était, quant à lui, dans une autre logique. Ayant fait fortune dans les travaux publics, l'ambitieux entrepreneur pensait qu'il était temps pour lui de se diversifier pour se donner une vitrine plus sympathique et asseoir davantage son pouvoir. Il s'est rabattu vers deux secteurs traditionnels : les médias et le sport. Après avoir lancé deux quotidiens, Le Temps et Wakt El-Djazaïr, il pensait que la possession d'un club de football renommé complèterait son projet. Ce fut l'USMA. Les ambitions de Haddad et Allik pouvaient se compléter. Mais c'était compter sans les aléas du sport et la confrontation de deux ego qui ne pouvaient cohabiter. Fort de son succès dans les travaux publics, Haddad voulait tout contrôler à l'USMA. Il avait pris l'habitude de donner des ordres et tout faire marcher avec de l'argent. En football, même si l'argent est un élément clé du succès, il ne peut assurer toutes les victoires. Et si on peut acheter les footballeurs, on ne peut acheter tous les hommes. Haddad finira tôt ou tard par s'en rendre compte. Omar Rabrab, autre homme d'affaires intéressé par le football, l'avait rapidement compris. Tenté de prendre en main l'équipe de Kouba, il avait dû battre en retraite, défait par l'irrationalité, la passion et les intérêts qui entouraient une modeste équipe. Les ennuis ont commencé pour l'USMA dès la préparation de la nouvelle saison. Haddad voulait un technicien étranger pour « étoffer » le staff technique, selon la formule consacrée. Noureddine Saadi, l'entraîneur en place, a compris : l'adjoint devait, tôt ou tard, le pousser vers la sortie. Il a donc refusé tout net. Il avait raison. Une équipe ne peut supporter deux responsables techniques concurrents, comme elle ne peut supporter deux dirigeants en compétition, comme le sont Saïd Allik et Ali Haddad. Pour l'heure, Allik temporise et tente de calmer le jeu. Mais Haddad est un homme pressé. Il reproche au président de l'USMA de n'avoir pas rempli sa part du contrat. L'USMA avait été évalué à près de 70 milliards. Haddad a acheté ses parts, et une partie des actions devait être vendue à d'autres partenaires. Allik devait s'en charger. Il n'a pu le faire, forçant Haddad à acheter le reste. Mais qui pouvait acheter des actions à l'USMA, du moment que Haddad en était actionnaire majoritaire et pouvait prendre les décisions qu'il voulait ? En outre, son attitude envers Allik et l'ancien staff de l'USMA montre qu'il peut être cassant, voire même arrogant. Ce qui rend encore plus difficile la venue de nouveaux partenaires. Mais c'est une autre histoire. Car aujourd'hui, les autres clubs regardent de près cette première expérience : l'entrée en force de l'argent va-t-elle améliorer le niveau du football ou bien va-t-elle simplement changer la nature des problèmes que subissent les clubs ?