Chikh, El-Habib, Boucif, Mohamed, Miloud, Ahmed et Boubekeur sont de ceux qui ont sacrifié leur vie pour que vive l'Algérie libre et indépendante. Leur point commun, ils portent le même nom Boubekeur : ils sont en effet frères de même père et de même mère. Sept frères martyrs, c'est peut-être rare mais à Béni-saf, l'histoire l'a enregistré. C'est dans le quartier populeux de Boukourdan (aujourd'hui El-Nahda) que les Boubekeur cultivèrent le patriotisme. La famille Boubekeur et la révolution, c'est une belle histoire à écrire en lettres d'or. En voilà quelques témoignages fournis, il y a quelques mois, aux archives du Musée du moudjahid de Béni-Saf par celle qui fut la femme de Boubekeur Chikh. Elle s'appelle Boudlal Kheïra. Récit: « Chikh ainsi que deux de ses frères, El-Habib et Boucif, avaient rejoint les rangs de l'ALN en 1956. Tandis que les quatre autres - Mohamed, Miloud, Ahmed et Boubekeur (celui-ci porte son prénom comme son nom) - avaient suivi les mêmes pas que leurs frangins mais en menant la vie dure au colonisateur, à l'intérieur du périmètre urbain. Mais tous, tour à tour, tombèrent au champ d'honneur, Chikh en premier. Sa femme raconta qu'ils étaient allés un jour passer la nuit chez son frère Boucif qui habitait le quartier de Sidi Boucif. Au petit matin, il lui avait demandé de lui préparer un peu d'eau tiède pour faire son ablution pour la prière de l'aube (el-fajr), quand soudain on frappa à la porte. Dehors, ils étaient plusieurs personnes à venir informer Chikh que le douar d'El M'dadha (situé sur le flanc droit de l'oued Tafna, non loin de la Plâtrière, aujourd'hui commune Emir Aek) était encerclé par l'armée française qui s'apprêtait à lancer une vaste opération contre la population. Nous autres, dans la maison, nous comprîmes qu'ils étaient venus chercher du renfort. Il n'y avait de secret pour personne car toute la famille, qui était là ce jour-là, était au courant des activités de Chikh. A peine la prière accomplie, on était dans la voiture pour la région de M'dadha. Chikh était au volant. Arrivés près Sidi Mehdi (15 m à l'ouest de Béni-Saf et à 10 m du dit village), on vit un hélicoptère de l'armée coloniale survoler la région. Et pour échapper au contrôle du pilote, Chikh fonça sous un grand arbre à feuillage touffu. On resta cachés pendant un long moment. L'avion tournait toujours dans le ciel. Plus bas, sur un flanc de l'oued Tafna, un berger gardait un troupeau de moutons. Dès que l'avion s'éloigna, Chikh me demanda de trouver un moyen pour retourner à Béni-Saf, avant de rejoindre le berger en courant. Je vis ce dernier lui passer sa gandoura (djellaba). Chikh prit ensuite la direction sud, avant de s'effacer pour rejoindre les autres khaoua. Plus tard, j'ai appris qu'il était tombé, les armes à la main, au champ d'honneur lors de cette même bataille de M'dadha. Quant à son frère Ahmed, il fut fidaï (moudjahid en milieu urbain) et fut abattu près d'El-Ançor (3 km sur l'ancienne route d'Oran). Il a été surpris par des tireurs embusqués. Avec lui tombèrent Mehdi Bouchelafi et Fatima «el-khayata» (la couturière), une femme qui a, dit-on, fait preuve de beaucoup de courage et de sacrifice pour la cause nationale. C'était en 1958. Ahmed avait 42 ans (il né en 1916) et laissait 6 enfants. Le troisième chahid se nomme Mohamed. Il fut «korat» (agent de liaison). Il a été tué près d'El-Bitour, autre vieux quartier de Béni-Saf. Ses assassins lui ont fait payer son nationalisme. Il fut notamment l'auteur de plusieurs écriteaux sur les murs de la mairie, appelant la population à se soulever contre le colonisateur. Miloud, lui aussi, fut fidaï. Il avait participé à plusieurs opérations. Il fut arrêté en 1959. Ses bourreaux le jetèrent par-dessus le pont de Boukourdan et le laissèrent succomber à ses blessures. Le sort réservé à son frère El-Habib était encore plus cruel. Arrêté en compagnie de deux autres moudjahidine, il fut enterré vivant dans une fosse non loin d'un lieu qui deviendra, en 1962, un bloc HLM (cité Djamila). El-Habib est né en 1921, il avait rejoint les rangs de l'ALN en 1956. Boucif, comme son frère Boubekeur, tomba aussi sous les balles assassines des forces militaires françaises en 1957. Comme les frères Boubekeur, la révolution algérienne a enfanté d'autres frères chahids. Dans la région, on évoquera à titre d'exemple, les frères Brahimi (Mohamed, Abdelkader, Miloud, Chikh) de Sidi-Safi, qui ont été, avec leur père Safi, 5 moudjahidine à mourir pour l'Algérie. Ligotés contre des poteaux électriques, non loin de Sidi-Safi le marabout, ces martyrs ont eu à peine le temps de réciter la «chahada» (prière), avant d'entendre le chef de peloton donner l'ordre de tirer. Leurs bourreaux leur avaient aussi bandé les yeux. Enfin, en ce 56e anniversaire du déclenchement de la révolution algérienne, l'Algérie (et bien sûr la région de Béni-Saf) se rappelle et en même temps est fière de tous ses martyrs.