En ce 15e anniversaire du retour du défunt Mohamed Boudiaf en Algérie, l'opportunité de faire une petite escale sur le passé glorieux de ce symbole de la révolution algérienne m'est à nouveau offerte. Toutefois, quand on est appelé à évoquer cet illustre homme et important acteur d'une cause magistrale qu'est la révolution, on ne sait par où commencer. L'homme étant grand autant que ses accomplissements. A chaque halte avec l'histoire et au jour de la commémoration de ces moments forts, on se sent une fois de plus au cœur des événements avec un sentiment de responsabilité morale quant à cet homme dont les principaux objectifs qu'il s'était assignés étaient l'indépendance de l'Algérie, l'édification d'un Etat démocratique et social, l'égalité des hommes et la dignité humaine. Mohamed Boudiaf ou Si Mohamed dont les prénoms de guerre étaient Ismael, Sadek,Tayeb, Dridi et Ali, n'a à aucun moment hésité à sacrifier sa vie pour que vive l'Algérie libre et indépendante. Cette Algérie colonisée pendant plus de 130 années et dont le bilan de guerre était des plus lourds. Je n'omettrai pas de rappeler, au passage, que cet emblème a, au bout du compte, été marginalisé et exilé de 1964 à 1992. S'exprimer au nom de l'un des piliers de la révolution algérienne mérite des aveux à la fois exhaustifs et sincères de ma part et représente une lourde tâche à assumer non pas faute de motivation mais par souci de fidélité aux aspirations de cet homme. Dans sa symbolique, il est un étendard dont j'ai hérité et que je me dois de garder haut. Ainsi, je me permets au nom de mon frère ainsi qu'au nom de tous les moudjahidine dévoués et sincères d'exprimer ma grande joie et satisfaction quant à la paix et sécurité que l'Algérie a enfin retrouvées. Je me réjouis de la voir prospérer dans tous les domaines et salue par la même occasion tous les fidèles qui ont œuvré à cela ainsi que tous ceux qui étaient présents avec moi lors de l'accueil du défunt Boudiaf à son retour de l'exil du Maroc. Boudiaf est rentré en Algérie le 16 janvier 1992 tête haute. Son retour tant attendu représentait pour moi ainsi que pour le peuple algérien une source d'espoir pour cette Algérie qui attendait un miracle. Après seulement six mois de son retour, le peuple a retrouvé confiance notamment la jeune génération. Hélas, cette joie a été brève et éphémère. Elle a été soldée par un acte lâche qui lui a coûté la vie. Ce qui a valu un aller simple, lui qui s'était jeté corps et âme dans le combat libérateur et qui voulait projeter la nation algérienne dans la démocratie, la paix et la sérénité. Il a même été jusqu'à contacter Abdelkader Hachani en prison pour qu'il contribue à mettre un terme aux massacres que subissaient les Algériens, aux destructions des biens de l'Etat et aux multiples assassinats et essayer ensemble de redorer le blason de l'Algérie qu'il avait épousé avant tout. Il avait un amour viscéral pour son pays. Il se devait de rééditer une union sacrée pour ériger un Etat démocratique. Il a, par tous les moyens, essayé de trouver la formule censée esquisser les fondements de l'Etat algérien, mais avant de développer ce point tant controversé, j'estime qu'il faut rappeler que malgré le refus de Abdelkader Hachani de coopérer, l'Algérie grâce à la bonne volonté et à l'affection que lui portent ses fidèles avait momentanément retrouvé la paix et la stabilité en cette période. Le retour de Si Mohamed n'était pas d'une importance moindre que les précédents, à savoir le premier, celui de mars 1954 de France où il était responsable du MTLD. Il a rejoint le pays dans le but de retrouver les membres de cette organisation qui étaient éparpillés après la dissolution de cette dernière. De nouveau, il se réunit avec eux et le résultat fut la préparation à la guerre de libération de 1954. En un temps record, du 24 mars au 28 octobre 1954, la planification de cette guerre était déjà achevée sur tout le territoire national et chaque moudjahid attendait avec impatience la détonation de la première balle. Et ainsi, Boudiaf est paru au mois d'octobre 1954 parmi les premiers coordinateurs du Front de libération national. Son second retour au pays s'est effectué en mars 1962, à la suite de sa libération avec les cinq autres leaders de la guerre après leur détention dans les prisons françaises durant six années à la suite du détournement de I'avion qui les transportait du Maroc en Tunisie le 26 octobre 1956. lls allaient assister à la rencontre des dirigeants des pays du Maghreb arabe. A ce titre, ils ont été accueillis à Dar El Beïda par les ministres des deux Etats algérien et marocain ainsi que par de nombreux hauts responsables d'Etat. Leur libération représentait la preuve irréfutable quant à la libération du pays du joug colonialiste. Pour cela, je ne cesse de remercier Dieu d'avoir occasionné ce retour couronné d'un résultat honorable qui a entraîné la victoire de l'Algérie et du peuple algérien. A mon grand regret, son dernier retour, celui de l'année 1992, a abouti à l'assassinat atroce et abject programmé depuis bien longtemps. Cet horrible crime a permis au peuple algérien de reconnaître ses véritables ennemis et par la même occasion à Si Mohamed d'accéder à la chose la plus noble dont puisse rêver chaque musulman, à savoir la « chahada » au nom de Dieu et de la patrie. Malgré la répugnance de ce crime, Boumaârafi n'a réussi qu'à atteindre son corps pur et noble et non son âme et a fait de lui par conséquence un martyr. Boudiaf est mort mais il n'a pas disparu de nos cœurs et esprits à tel point qu'à chaque fois qu'on aborde l'histoire fabuleuse de la révolution algérienne, on ne peut que le citer parmi tant d'autres hommes prestigieux de ce pays. Il était et reste l'exemple édifiant de l'humilité et la haute perception du devoir interprété par le sacrifice de tant d'années de sa vie pour la révolution en se dévouant pleinement à cette Algérie qu'il chérissait et plaçait par dessus tout. Et pour cause, il est consternant, honteux et scandaleux de constater qu'il existe encore d'autres lâches qui tentent de par leur médisance au sujet de Si Mohamed de ternir son image et porter atteinte à son honneur, dignité et intégrité, lui qui était exilé 28 ans et ne possédait même pas une parcelle de terre. Ces derniers, qui n'ont pas hésité à le poignarder dans le dos avec un couteau empoisonné, oublient qu'il y a une justice divine. Je porte à la connaissance de toutes ces personnes qui n'ont contribué ni de près ni de loin à la libération de notre cher pays et qui, à aucun moment de la guerre, ils n'ont, ne serait-ce que tiré une seule balle au nom de l'Algérie ni d'aucune façon, lutté pour elle, à tout cela, je dis que quoi que vous puissiez dire ou faire jamais vous ne réussirez à atteindre la dignité de ce grand homme, dont le passé héroïque et l'histoire témoignent du dévouement.Cette figure de la révolution, qui incarne immuablement le cas de celui qui a donné sa vie pour que triomphe l'Algérie même si on a toujours voulu occulter cela, était auréolée de sa qualité de moudjahid avec une vision assez lucide quant à l'avenir du pays. Au nom de l'héritage moral qu'il m'a légué, j'invite tous les lecteurs notamment les jeunes qui n'ont pas vécu la période de guerre de prendre connaissance du parcours fort éloquent de ce chahid et symbole de la révolution et dont l'histoire a gravé le nom en lettres d'or dans sa mémoire. En tant que frère d'un fondateur de l'Etat algérien, je les invite également à aimer et chérir l'Algérie comme il le faisait. C'est à notre génération détentrice de cette responsabilité morale de transmettre aux nouvelles générations cet engagement sur un grand chantier d'idées. Pour conclure, j'ai l'intime conviction que l'Algérie est à la croisée des chemins et qu'il revient de droit à cette jeune génération de prendre le relais malgré la complexité de cette tâche car il ne faut en aucun cas oublier qu'il ait fallu le combat de plusieurs générations avec tout ce que cela impliquait comme sacrifices sang et larmes pour recouvrer I'indépendance, la liberté et la fierté de notre Algérie. Frère du Président défunt Boudiaf