Des milliers de personnes étaient avant-hier dans les rues de Madrid pour dénoncer la répression contre les Sahraouis, mais aussi et surtout pour fustiger l'attitude du gouvernement Zapatero. Le chef du gouvernement espagnol a donné en effet une piètre image de l'Espagne en justifiant son attitude complaisante à l'égard de Rabat en invoquant «l'intérêt de l'Espagne». Une attitude pour le moins choquante pour le chef du gouvernement d'un pays qui porte une lourde responsabilité dans la situation actuelle faite aux Sahraouis. Il y a dans le «réalisme» mis en avant par le chef du gouvernement espagnol une insulte au bon sens. Car M. José Luis Rodriguez Zapatero ne fait pas dans le réalisme mais dans le mépris pour les souffrances des Sahraouis. Ses propos «réalistes» sont indignes d'un responsable de gouvernement qui se veut démocratique et respectueux des droits de l'homme. Certains manifestants à Madrid ont qualifié Zapatero de «traître» C'est effectivement une trahison à l'égard des valeurs proclamées par le dirigeant espagnol. Quand les intérêts commerciaux priment sur les droits de l'homme et sur la responsabilité historique et légale de l'Espagne à l'égard des Sahraouis, le mot n'est pas déplacé. La raison «réaliste» invoquée par le gouvernement espagnol est en tout cas fortement rejetée au sein de l'opinion. Celle-ci considère, à juste titre, que l'acteur Javier Bardem, très actif dans les manifestations de soutien aux Sahraouis, incarne beaucoup mieux que Zapatero l'honneur de l'Espagne, celle qui refuse de transiger sur ses responsabilités sur la base des comptes commerciaux. Javier Bardem est en phase avec l'opinion majoritaire des Espagnols, y compris au sein des bases du PSOE, qui refuse que les valeurs et les principes s'inclinent devant les intérêts commerciaux. Beaucoup constatent qu'il n'est en effet pas de «l'intérêt de l'Espagne» de paraître si complètement soumise aux désirs de Rabat. Javier Bardem a rappelé, au nom de milliers d'Espagnols humiliés par l'attitude de leur gouvernement, que le soutien que l'Espagne, la France et les Etats-Unis apportent au Maroc signifie lui »donner le droit de faire ce qu'il veut avec les gens sans condamner la violence». «On ne peut pas oublier qu'il s'agit d'un territoire occupé et qu'ils font ce qu'ils veulent sans que personne les condamne. Et je parle ici des gens qui ont été assassinés», a-t-il souligné. La différence entre Javier Bardem et José Luis Zapatero n'est pas dans le «réalisme». S'il s'agit de faire des calculs purement commerciaux, l'attitude de Zapatero pourrait être coûteuse à l'Espagne En Algérie par exemple En réalité, le chef du gouvernement espagnol oublie qu'une démocratie se doit d'être exemplaire et à la hauteur des valeurs qu'elle proclame. Comment justifier le silence officiel devant des atteintes aussi manifestes aux droits de l'homme au Sahara Occidental ? De nombreux Espagnols notent, à juste titre, que l'alignement pro-marocain - certains commentateurs espagnols parlent de «soumission» - rend l'Espagne inapte à avoir un rôle sérieux dans son environnement immédiat. Bardem incarne l'honneur de l'Espagne, mais aussi un réalisme qui ne se conjugue pas avec démission et compromission.