Bernard Bajolet, actuel coordonateur du renseignement à l'Elysée et ex-ambassadeur de France à Alger s'inquiétait, en janvier 2008, auprès de son collègue américain, Robert Ford, d'une Algérie qui évoluerait progressivement vers plus d'instabilité. La discussion avec son homologue américain, lui aussi versé dans le renseignement, montre un ambassadeur français plutôt pessimiste sur l'avenir. L'ambassadeur français ne doutait pas que le président Bouteflika allait rempiler pour un troisième mandat en 2009. Bajolet considère que les intérêts stratégiques français sont surtout économiques et il s'alarme d'une tendance des Algériens à émigrer vers la France en raison d'une absence d'opportunités en Algérie. Pour l'ancien ambassadeur français, les évolutions positives sont peu nombreuses en Algérie. Il constate que les municipalités (APC), les institutions les plus proches de la population, n'ont «ni le pouvoir, ni les ressources pour répondre aux besoins au niveau local», alors que le gouvernement semble «inapte à prendre des mesures décisives ». Bajolet, écrit l'ambassadeur Ford, parle d'une «forme d'immobilisme». Les partis politiques ont peu de marge politique et «sont prêts à des accords politiques à court terme avec des pertes à long terme». L'intérêt public pour le système politique formel a considérablement baissé ainsi que cela s'est manifesté lors des deux élections de 2007. Le climat des affaires est difficile et ne s'améliore pas. Bajolet a indiqué qu'une association patronale française a préparé un livre blanc sur les difficultés des entreprises françaises en Algérie et sur le moyen de les résoudre. L'ancien ambassadeur souligne que le ministre algérien de l'Intérieur Yazid Zerhouni et le gouvernement algérien étaient très soucieux d'éviter sa publication. La corruption affecte le développement économique Pour la corruption, qui «remonte aux frères de Bouteflika », elle a atteint un «niveau tel qu'elle affecte le développement économique ». L'ambassadeur français qui a «compris» que les services ont donné leur approbation au changement de constitution estime que la santé de Bouteflika est bien meilleure et que le soutien des responsables des services à un troisième mandat, découle de la conviction qu'il ne finira probablement pas son mandat. Bajolet qualifie la relation entre le président et les services de «sensible». Il interprète la sortie de Cherif Abbès contre Sarkozy, à la veille de sa visite en Algérie, comme résultant d'un encouragement des services dans le but d'embarrasser Bouteflika et de pousser les Français à annuler le voyage. Bajolet a indiqué que faute d'alternative à Bouteflika, la France a choisi d'afficher une « attitude neutre » au sujet de la modification de la Constitution. Au passage, M. Bajolet a indiqué que Mouloud Hamrouche «parle de réformes mais les Français ne sont pas sûrs qu'il puisse mettre en œuvre un programme de réforme ». Quand à Ahmed Ouyahia, il est un «un autre apparatchik » et a «peu de popularité dans le pays».