Quand les bruits de couloirs ne sont plus audibles, nous nous faisons un plaisir de vous les faire parvenir. Musique. La Hongrie, comme chacun le sait aujourd'hui, a fait adopter par son Parlement, le 21 décembre dernier, une «loi sur les médias», critiquable à bien des égards, tant elle met sous tutelle - éditoriale - l'ensemble des médias. Oui, la Hongrie, qui préside jusqu'au 30 juin la présidence de l'Union européenne, n'est pas totalement délivrée des fantômes de son passé récent : celui du totalitarisme politique. Bien sûr qu'il faut dénoncer et combattre toute atteinte aux libertés d'opinion et d'expression ou celles touchant aux droits humains d'une manière générale. En revanche, remettre en cause la capacité de la Hongrie à assumer son droit légitime à la présidence tournante de l'Union, jusqu'à sous-entendre son exclusion, est une autre affaire. Nier, en raison de cette loi scélérate, les efforts de la Hongrie dans l'assainissement de ses comptes financiers publics est une manipulation politique. Comparer le régime politique hongrois, comme le font bien des commentateurs de la presse occidentale, à celui du Belarus de Loukachenko est un mépris, voire une offense gratuite. Dans la tourmente de la crise financière et économique actuelle, rares sont les pays qui maintiennent leurs comptes publics à un niveau appréciable, et la Hongrie en fait partie. A ce titre, il est quand même symptomatique de constater que ce sont, justement, les pays d'Europe de l'Est qui ont rejoint l'Union qui affichent des meilleurs comptes publics. Dette publique, citons la Roumanie, 30%; Bulgarie, 17 %; Estonie, 9 % Tchéquie, 39 %; Hongrie, 78 %, etc. Voyons celles des plus «grands» pays de l'Ouest: Italie, 118%; France, 83 % Royaume-Uni, 79 %; Allemagne,78%, etc. Ceci sans ajouter l'abîme dans lequel sont plongés des pays comme la Grèce, le Portugal, l'Irlande ou l'Espagne. La comparaison parle d'elle-même et les différences sont encore plus accentuées lorsqu'il s'agit de déficit public. Comme on le voit, ce sont les pays de l'Est européen qui sont, sur ces plans, les meilleurs élèves et pourtant ils sont accusés de tous les maux et défauts par leurs «frères» de l'Ouest. Cela traduit bien un malaise entre les «anciens» et les « nouveaux» Européens. S'est-on inquiété des pressions que les gouvernements des pays d'Europe centrale et orientale (PECO) exercent sur leurs populations en termes d'austérité économique pour gagner leurs galons de pays économiquement acceptables dans l'Union ? Les conséquences sur la vie politique dans ces pays sont fâcheuses sur bien des plans. On reproche à la Hongrie d'avoir un gouvernement conservateur, celui de ViKtor Orban, et d'avoir au sein de son Parlement la présence du parti d'extrême droite Jobik. Une dérive politique due en grande partie au régime économique d'austérité imposé aux Hongrois pour satisfaire aux exigences de Bruxelles, et sur lequel ont surfé les partis nationalistes et extrémistes. Faut-il aussi chiffrer les gains des entreprises venues de l'Ouest pour fonctionner à l'Est à moindre coût ? Pourquoi ne pas remettre en cause la capacité politique de pays comme les Pays-Bas ou le Royaume-Uni où conservateurs et nationalistes (extrémistes en Hollande) sont au pouvoir ou y participent ? Mieux, comment qualifier la politique du gouvernement français envers l'immigration, les Roms et ses discours sur l'Afrique ou sur la «pureté» du Français de souche? Dans le domaine des médias, l'Italie de Berlusconi n'est pas loin de la loi hongroise. La seule différence est dans le spectacle, l'illusion; ce qui est aussi vicieux et aliénant que la loi hongroise sur les médias. S'il faut condamner, dénoncer, combattre, il faut le faire partout, y compris dans les pays dits «hautement» démocratiques. Critiquer la Hongrie pour sa loi sur les médias est juste. Ce qui est injuste, irrationnel et dénote, là aussi, une certaine suffisance politique, c'est de nier à la Hongrie sa capacité à mener les débats pour les six mois de sa présidence. Ne confondons pas les choses. Et puis, jusqu'à preuve du contraire, la Hongrie n'a voté aucune loi stigmatisant des catégories de populations vivant sur son sol en fonction de leurs appartenances sociale ou ethnique. Mieux, la Hongrie offre la nationalité à tous les magyars ou qu'ils vivent ailleurs (et c'est un gros problème qui l'oppose à ses voisins immédiats). Enfin, pour en finir avec les doutes sur la capacité hongroise, rappelons qu'elle hérite la présidence de l'UE d'un pays, lui aussi en crise politique, lui aussi peuplé de 10 millions d'habitants: la Belgique, pays de l'Ouest, fondateur de l'Union et dont tous les observateurs saluent sa mission exemplaire menée à la tête de l'Union. Et la Belgique est toujours plongée dans une crise politique grave. Alors ? PS: Une erreur d'interprétation nous a fait écrire dans la précédente chronique que la Hongrie avait bénéficié, en 2008, d'un prêt conjoint de l'UE et du FMI d'un montant de 26 millions d'euros. Il s'agit de 26 milliards, bien sûr.