Au septième jour de son explosion, la colère populaire en Egypte ne donne aucun signe d'essoufflement, malgré les gestes faits par le président Moubarak dans l'espoir de la faire retomber. La rue campe dans son exigence du départ du vieux dictateur et de changement de régime. Sa détermination a poussé l'opposition, avec à sa tête Mohamed Al-Baradei, à accentuer la pression sur le pouvoir encore en place en appelant hier à la grève générale et à une marche géante aujourd'hui. Il faut par conséquent s'attendre à des développements décisifs dans le bras de fer qui oppose en Egypte le pouvoir qui s'accroche aux commandes du pays et un peuple n'en voulant plus. Tout peut arriver. Mais c'est le pire, à savoir un tragique bain de sang, qui est le plus à craindre. Les décisions décrétées hier par Moubarak et son gouvernement d'étendre les horaires du couvre-feu déjà en vigueur dans le pays et de redéployer l'appareil policier dans la rue dénotent qu'ils sont déterminés à contrer la démonstration à laquelle l'opposition a convié la population égyptienne. Il apparaît clairement que le dictateur du Caire reste sourd à la revendication populaire exigeant son départ pur et simple et un changement de régime radical. Il semble conforté dans son autisme par les comportements adoptés par les puissances étrangères qui comptent à ses yeux. Comportements on ne peut plus ambigus, du moment que tout en admettant la légitimité des revendications portées par la rue égyptienne, ils font silence sur celle primordiale pour les manifestants, à savoir le départ de Moubarak. Ces mêmes puissances n'ont pourtant pas fait montre de la même frilosité à soutenir jusqu'à l'ingérence d'autres mouvements populaires démocratiques ailleurs que dans le monde arabe. Que l'on se souvienne des fermes injonctions formulées par les Etats-Unis et l'Europe à l'occasion des soulèvements populaires en Ukraine et en Georgie. Là, ils avaient été clairs pour exiger les départs des dictateurs contestés par leurs peuples. Il est irréfutable que le monde occidental a une conception à géométrie variable concernant la défense des libertés et de la démocratie, surtout quand celles-ci sont revendiquées par des peuples arabes. Cette défense n'est plus pour le monde occidental un dogme intangible dès lors que liberté et démocratie pour les peuples peuvent déboucher sur des situations susceptibles de remettre en cause son hégémonie et ses intérêts géostratégiques. Dans le cas de l'Egypte, pays à l'importance cruciale pour ces intérêts occidentaux dans la région du Moyen-Orient, il est patent que les Etats-Unis et l'Europe ne s'empressent nullement de prendre ouvertement position pour la révolution démocratique qui a fait descendre le peuple égyptien dans la rue. Cela avec l'espoir que l'entêtement du vieux dictateur du Caire finisse par la faire avorter. Au final, l'Occident a tout intérêt que la démocratie dont il est donneur de leçons au reste du monde ne s'instaure pas en terre arabe. En son nom, Israël a clairement exprimé ce qui est voulu pour les peuples arabes : «des régimes forts et dictatoriaux». L'Egypte depuis une semaine et la Tunisie avant elle ont signifié que les pays arabes revendiquent un autre destin en ne reculant devant aucun sacrifice. Oui, les Arabes sont éligibles à avoir des régimes démocratiques et l'Occident ne fait qu'accentuer la haine qu'ils lui vouent en reniant pour ce qui les concerne ce droit. Moubarak partira, c'est une certitude. Les autres dictateurs arabes suivront, c'en est une autre. Et les peuples arabes diront leur fait à ceux qui les ont si longtemps soutenus et protégés, jusqu'à leur permettre de commettre les crimes les plus impardonnables.