« C'est une révolution ! ». Ce n'est pas un opposant qui l'affirme mais Amr Moussa, secrétaire général de la Ligue arabe qui se prépare à terminer son mandat et qui ambitionne de jouer un rôle dans la nouvelle Egypte. Le régime, aux abois, agite la menace, Place Al-Tahrir relève le défi et promet un autre vendredi de la colère. Les ouvriers égyptiens entrent dans la révolution par des grèves. Le régime, par la voix d'Omar Souleïmane, donne des signes d'impatience et se fait menaçant contre une place Al-Tahrir, plus décidée que jamais à obtenir le départ de Moubarak et la chute du régime. Dans ce contexte, les déclarations d'Amr Moussa au journal «Le Monde» sonnent comme un avertissement contre un éventuel recours à la force. Pour Amr Moussa, l'expression d'Intifadha concédée par le patron des services égyptiens, devenu vice-président, ne rend pas compte de la réalité. « L'Egypte d'après le 25 janvier est radicalement différente de celle d'avant. Les voix populaires se sont élevées avec clarté et beaucoup de courage, disant toutes que le changement est inéluctable. La jeunesse égyptienne, soutenue par l'ensemble des générations, dit aujourd'hui des choses que personne n'a osé dire, durant plusieurs décennies. Je répète : c'est une révolution ». Et comme pour le conforter, l'Egypte assiste, depuis hier, au début de sa troisième semaine de contestation, à l'entrée en scène du monde ouvrier principalement dans le secteur public. Des milliers d'ouvriers du textile, des personnels médicaux, des chemins de fer, du secteur pétrolier, des centraux téléphones ou des entreprises du Canal de Suez sont entrés dans la contestation avec des revendications sociales. Le syndicalisme autonome, très combattu par le régime, a le vent en poupe. Les mouvements de grève sont venus donner un contenu social aux protestations qui sont entrées dans leur troisième semaine. Pas de lassitude des Egyptiens Ils confirment ce qui était observé depuis plusieurs jours : au lieu de la lassitude escomptée par le régime, la situation de blocage ne fait qu'élargir le nombre des partisans de la révolution. Hier et en dépit de la menace de Omar Souleïmane, des dizaines de milliers des protestataires ont persisté, au lendemain d'un mardi qui a connu une affluence record, à réclamer le départ de Moubarak. Au moins trois personnes ont été tuées et une centaine d'autres blessées, lors d'affrontements entre la police et des manifestants, dans le sud de l'Egypte. Cela s'est passé à El Khargo, à plus de 400 km, au sud du Caire, où la police a usé de balles réelles contre des manifestants. Ces derniers ont réagi en mettant le feu à sept bâtiments officiels, dont deux commissariats, un tribunal et le siège local du Parti national démocrate (PND). La «ligne» de la Place Al-Tahrir s'impose Place Al-Tahrir, la détermination des contestataires reste intacte. Mustapha Chawki, un des membres de la Coalition de la révolution de la colère a estimé que le mouvement de protestation prenait de l'ampleur et qu'il s'agissait d'un message à Moubarak. Une nouvelle grande manifestation du million est programmée pour le vendredi. Les signes de division apparues, il y a quelques jours, semblent être dépassés, la place Al-Tahrir imposant à tous la «ligne» du départ de Moubarak et de son régime. Les Frères musulmans qui sont présentés comme une «menace» dans les médias occidentaux mais également par ceux du régime, s'emploient à rassurer. «Les Frères musulmans ne recherchent pas le pouvoir. Nous ne voulons pas y participer pour le moment (...). Ils ne peuvent pas être la force dominante», a affirmé Mohamed Moursi, un haut responsable du mouvement, lors d'une conférence de presse en précisant que « ce n'est pas une personne, un parti ou un groupe qui mène les manifestations. Personne ne peut prétendre qu'il mène la foule. Sagement les « ikhwane » annoncent qu'ils n'auront pas de candidat aux présidentielles. «Nous sommes avec la volonté du peuple, avec la majorité du peuple égyptien. Nous ne sommes pas la majorité», a-t-il indiqué en insistant sur le fait que Moubarak « doit quitter son poste. Une nouvelle ère doit commencer. Le régime est tombé, il doit désormais partir. C'est la seule revendication (actuellement). Il n'est pas question de parler de vestiges du régime», a-t-il ajouté. Mise en garde de Souleïmane Cette union de l'opposition au sujet de revendications de base met le régime aux abois. Omar Souleïmane, a rejeté ces exigences et a laissé entendre qu'il pourrait y avoir recours à la force pour vider la place Al-Tahrir, devenue le cœur de la révolution et la hantise du régime. « Nous ne pourrons supporter cette situation longtemps et il faut mettre un terme à cette crise le plus rapidement possible», a prévenu mardi le vice-président Souleimane. Il a également mis en garde contre les appels à la «désobéissance civile» dans le pays. De telles initiatives sont «extrêmement dangereuses pour la société (...) Nous ne le tolérerons pas», a-t-il insisté, lors d'une rencontre avec les rédacteurs en chef de la presse gouvernementale et partisane. Comme s'il ne percevait pas qu'il s'agit d'une « révolution », Omar Souleimane s'était risqué à affirmer que l'Egypte n'était pas mûre pour la démocratie. La Maison-Blanche a déploré mardi des propos par lesquels le vice-président égyptien Omar Souleimane avait estimé la veille, que son pays n'était pas mûr pour la démocratie. «Je pense que cela ne correspond pas du tout aux perspectives de progrès telles que les voient ceux qui sont en quête de meilleures possibilités et d'une liberté plus grande», a dit Robert Gibbs, porte-parole de la présidence. «Le gouvernement doit cesser d'arrêter des manifestants et des journalistes, de mettre fin au harcèlement, aux brutalités et aux interpellations visant des reporters, des militants et ceux qui sont engagés au sein de la société civile». Hier, c'était au tour du vice-président des Etats-Unis Joe Biden d'appeler Omar Souleimane pour lui demander d'élargir le dialogue en cours sur la transition politique, à davantage de groupes d'opposition. L'Egypte marchera encore vendredi.