Des dizaines de milliers de protestataires ont à nouveau rejoint mardi les «campeurs» de place Al-Tahrir au Caire pour réclamer le départ de Hosni Moubarak. Des manifestations similaires ont été organisées dans de nombreuses villes du pays. Malgré un mouvement qui ne faiblit pas et qui gagne encore des soutiens dans le pays, le régime égyptien, armée compris, fait bloc pour éviter un départ précipité de Hosni Moubarak. Une démarche soutenue de fait par les Américains soucieux de préserver un ordre favorable à Israël. Le gouvernement égyptien paraît compter sur la lassitude des Egyptiens. Ce n'est pas encore le cas. Ils sont nombreux à afficher leur détermination à tenir jusqu'au départ de Moubarak. A défaut de pouvoir casser le mouvement par la répression, le régime de Moubarak prône la négociation et se dit réceptif aux exigences des Egyptiens. C'est le rôle dévolu au vice-président Omar Souleïmane, le patron des services, dont la désignation a été un signal rassurant pour Washington et Tel-Aviv. Il a annoncé, hier, après un entretien avec Hosni Moubarak, un plan et un calendrier pour un transfert pacifique du pouvoir. Et sans surprise, ce plan ne prévoit pas le départ anticipé de Hosni Moubarak. Omar Souleïmane a, d'ailleurs, pris soin de présenter ce plan comme étant approuvé par le « raïs ». «Le président a salué le consensus national, confirmant que nous sommes sur le bon chemin pour sortir de la crise actuelle», a indiqué Souleïmane dans une déclaration retransmise à la télévision égyptienne. La feuille de route de Moubarak «Une feuille de route claire a été mise en place avec un calendrier pour un transfert pacifique et ordonné du pouvoir», a-t-il ajouté. Il a assuré que le gouvernement n'engagerait pas de poursuites contre les manifestants. Outre la constitution d'une commission d'enquête sur les violences de mercredi contre les manifestants place Al-Tahrir, Hosni Moubarak a promis une hausse de 15% des salaires des fonctionnaires et des retraites. Il a également signé un décret présidentiel pour la constitution d'une commission en charge des amendements de la Constitution. Toutes ces mesures n'ont pas fait baisser les bras des contestataires qui continuent de faire du départ de Moubarak. Dans une réaction immédiate aux « offres » d'Omar Souleïmane, une activiste, Nouara Negm, a affirmé que les Egyptiens ne lui font pas confiance. Elle a souligné que les appareils de sécurité continuaient de détenir neuf activistes. Le bras de fer se poursuit ainsi entre une opposition qui montre que ses capacités de mobilisation restent intactes et un régime qui joue sur l'envie, réelle, chez une bonne partie des Egyptiens d'un retour à la normale. Après une démonstration réussie, hier, l'opposition pourrait faire du vendredi une autre occasion pour réaffirmer sa détermination à arracher le départ de Moubarak. La partie reste ouverte. Et si le régime semble avoir reculé devant la contestation, il n'en reste pas moins en place. Et même solidement du fait que l'armée reste, en dépit d'un soin particulier à éviter la confrontation avec les manifestants, fidèle à Hosni Moubarak. Tout dépendra en définitive de la capacité de l'opposition égyptienne à préserver son unité face aux démarches, très manœuvrières, du régime. Elle doit tenir compte du fait qu'elle négocie avec un régime qui cherche à se préserver. Tout dépend de l'unité de l'opposition Cette unité est primordiale. Elle permet à l'opposition de garder l'initiative face à un régime discrédité mais qui a l'appui réel des régimes occidentaux. En dépit d'une prise de distance de pure forme à l'égard des propos de Wisner, l'envoyé spécial d'Obama en Egypte, les Etats-Unis appuient la résistance du régime. Ils se sont exprimés en faveur d'un « large dialogue » entre le gouvernement et l'ensemble des groupes de l'opposition et de la société égyptienne. «Nous encourageons un large dialogue avec l'ensemble des parties dans le cadre d'un processus concret qui devra aboutir à des élections libres et transparentes», a souligné le porte-parole du Département d'Etat américain, Philip Crowley. Il a regretté que « des figures majeures de la société égyptienne qui devaient être présentes à ce dialogue n'y ont pas été invitées », a dit le porte-parole, soulignant que c'est le peuple égyptien qui jugera en fin de compte les progrès réalisés dans le cadre de ce processus. Outre les révélations sur l'ampleur de la fortune des Moubarak, la chaîne Al-Arabiya a révélé que l'ancien ministre de l'Intérieur égyptien, Habib Al Adly, est soupçonné d'être derrière l'attentat contre une église à Alexandrie le 31 décembre dernier. Citant des sources britanniques, Al-Arabiya affirme que « l'ancien ministre de l'Intérieur a établi depuis six ans une organisation dirigée par 22 officiers qui employait d'anciens islamistes radicaux, des trafiquants de drogue et des sociétés de sécurité pour mener des actes de sabotage à travers le pays au cas où le régime serait en difficulté ». Au Liban, Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah, a salué une révolte populaire qui vise à «rétablir la dignité du peuple arabe». «Votre mouvement changera entièrement le visage de notre région dans l'intérêt de son propre peuple, vous êtes engagés dans la bataille pour la dignité arabe, le rétablissement de la dignité du peuple arabe», a-t-il déclaré dans un message télévisé.