Misant sur la lassitude des manifestants d'Al Tahrir, le régime Moubarak résiste. Mais devant l'insistance de la rue à faire partir le Président pour ouvrir une nouvelle page de l'histoire contemporaine de l'Egypte, le régime joue sa survie sur le terrain des manœuvres. Des manœuvres internes qui consolideront à coup sûr la protection externe menée par l'administration Obama. Les visées du pouvoir égyptien, au niveau interne, sont claires : inviter la classe politique au dialogue pour provoquer des divergences qui toucheront certainement la mobilisation populaire. C'est manifestement le rôle de la classe politique égyptienne de ne pas se détacher de la rue plus que jamais déterminée à faire tomber un régime sans doute affaibli, mais qui refuse de partir. Intronisant le vice-président sous la pression de la contestation, Omar Souleïmane - l'homme par qui les enjeux géostratégiques régionaux sont maintenus en l'état - multiplie sorties et négociations. Objectif : faire croire aux manifestants que l'avenir de l'Egypte est désormais entre de bonnes mains. «La révolution des jeunes a ses côtés positifs, mais il faut prendre garde de ne pas s'embourber dans ses côtés négatifs», déclare Omar Souleïmane à la fin d'une journée de mobilisation. Mais, visiblement, les manifestants ne se laissent pas intégrer dans le logiciel des promesses mis en place par le régime depuis le 25 janvier. Les réformettes opérées dans l'architecture de l'Etat, comme l'amendement de la Constitution, n'intéressent plus des Egyptiens exaspérés par un régime qui a appauvri le pays pour enrichir une famille. Les dernières offres de dialogue, sur fond de manœuvre, n'emballent pas les Egyptiens. La place Al Tahrir témoigne, sans répit, que la colère des Egyptiens ne reculera pas. Et plus les voix du régime, ainsi que celles des «amis» et «protecteurs», s'expriment, plus la rue gronde pour arracher l'essentiel. Sur la place Al Tahrir, le message est sans équivoque. Les manifestants insistent à dire qu' «il ne peut y avoir de négociations tant que Moubarak ne part pas. Une fois qu'il sera parti, on pourra parler de toutes sortes de choses». Cela traduit la détermination de la population à passer à une autre étape de lutte qui ne donne aucun crédit aux promesses. Ni aux déclarations de responsables américains qui souhaitent des «réformes irréversibles» dans le cadre de la transition politique. Ni d'ailleurs celle de la France, qui appelle à «l'émergence des forces démocratiques». Très déçue par la disparition de l'épouvantail islamiste, qui justifiait les choix autoritaristes des pays du Sud parrainés par l'Occident, la France vient d'inventer un nouvel alibi. Il consiste à attendre la naissance des forces démocratiques pour pouvoir amorcer une dynamique de démocratisation. Sinon, les tyrans auront encore un bel avenir devant eux. A. Y.