L'Autorité palestinienne paraît complètement sonnée par la chute de Hosni Moubarak et tente de se redonner une santé en appelant à des élections. Formellement, il est sain de revenir au peuple et aux élections, mais dans le cas d'un peuple sans Etat et où ceux qui font office d'autorité sont tellement discrédités, cela ressemble à de la fuite en avant. D'un point de vue purement technique, beaucoup de Palestiniens seraient fondés à considérer que les révélations sur l'ampleur des concessions que cette Autorité a accepté de faire dans le cadre de fausses négociations la disqualifient. Ceux qui ont fait preuve d'une telle incompétence pour ne pas en dire davantage dans la conduite de la négociation ne sont pas habilités à organiser des élections. Car sur le fond, cette Autorité, hormis la démission du négociateur en chef Saeb Arekat, ne semble pas faire l'ombre d'une autocritique. Arekat lui-même dit démissionner car les documents diffusés par Al-Jazira venaient de son bureau et auraient été «falsifiés». Pas l'ombre d'un début d'analyse politique sur les raisons d'un fourvoiement dans des négociations sans fin et sans autre but que de permettre à Israël d'étendre son emprise sur le territoire palestinien. En réalité, M. Saeb Arekat est trop inconsistant pour servir de fusible dans ce scandale qui met en cause directement le chef d'une Autorité sans consistance. Mahmoud Abbas est entouré de gens trop intelligents pour ne pas saisir ce que l'ensemble des Palestiniens constatait depuis le début du processus d'Oslo. On se serait attendu, alors que le «parrain» Hosni Moubarak a été renvoyé par son peuple, à ce que les responsables de l'Autorité palestinienne reviennent à leur peuple et à ses organisations pour rediscuter. Des élections dans un pays occupé, avec un Premier ministre très FMI qui fait semblant de construire un Etat, cela n'est pas sérieux. Il y a une unité nationale à rétablir et ce n'est pas en allant vers des élections impossibles à tenir et desquelles on exclurait les millions de réfugiés que les Palestiniens y parviendront. C'est parce que cette Autorité s'est crue, par intérêt personnel de ses membres, autorisée à se considérer libre de ne pas tenir compte des aspirations de tous les Palestiniens, ceux qui sont dans les territoires comme ceux qui sont dans l'exil, que les « négociations » ont tourné à la honte. Qui peut croire que les élections peuvent servir à quelque chose si les Palestiniens ne rediscutent pas clairement de la nature du mandat à donner à ceux qui devront négocier en leurs noms et sur les objectifs nationaux minimaux ? Le contexte régional est propice à cette remise à plat ; ceux qui ont mené les Palestiniens dans une impasse doivent se remettre en cause. L'Egypte, même si ses militaires se sont engagés à respecter les accords conclus par Moubarak, finira par refaire le rééquilibrage à mesure que la démocratie s'y enracine et que les riches Etats arabes ne se mettent pas à devenir avares d'investissement sur injonction américaine. Rien n'est joué, mais il y a une opportunité historique pour rééquilibrer le rapport des forces. Et cela passe bien par le préalable d'un rétablissement de l'unité nationale palestinienne et non par des élections qui vont approfondir les divisions. Les Palestiniens ne doivent pas perdre de temps. Ils doivent réengager un dialogue national qui permet de fixer un vrai cap.