Les manifestations contre le régime qui ont lieu depuis mardi en Libye ont fait plus de 24 morts et plusieurs autres blessés, selon des informations recueillies par les médias et des ONG citant des témoins contactés par téléphone. Le régime du leader Kadhafi, généralement hostile aux hommes de la presse, ne tolère pas l'entrée des journalistes, pour lesquels la Libye reste inaccessible pour la couverture des évènements. Dans cette «révolution», qui n'est qu'à ses débuts, la presse a eu recours aux images de portables diffusées sur la toile et à des appels téléphoniques souvent interrompus. Une crainte de représailles hante tout citoyen opposé au régime du guide libyen. Néanmoins et en dépit du blocus sur l'information imposé, des militants arrivent toujours «à faire» sortir des nouvelles même des plus «indésirables» par rapport au pouvoir. Ainsi, l'organisation Human Rights Watch (HRW), citant des témoins, a fait état de la mort d'au moins 24 manifestants. Des dizaines d'autres personnes ont été blessées par des tirs dans des protestations pacifiques. «Les attaques sauvages des forces de sécurité sur des manifestants pacifiques révèlent la réalité de la brutalité de Kadhafi face à toute contestation interne», a dénoncé Sarah Leah Whitson, responsable de HRW pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord. Le colonel Kadhafi, doyens des dirigeants arabes, est au pouvoir depuis plus de quatre décennies. Jeudi, des centaines de «manifestants pacifiques» ont défilé à Al Baïda, Benghazi, Zenten, Derna et Ajdabiya. De nombreux témoins soulignent que les forces de sécurité ont tiré et tué les manifestants pour disperser les protestants, selon la même source. Les pires violences ont eu lieu à Al Baïda, à 1200 km à l'est de Tripoli. Jeudi en début d'après-midi, le personnel de l'hôpital a réclamé du matériel supplémentaire, se disant dépassé par l'afflux de 70 manifestants blessés, dont la moitié dans un état critique à cause de blessures par balles, a ajouté l'ONG. Un manifestant blessé à l'hôpital d'Al Baïda a déclaré à HRW avoir patienté à côté de l'unité de soins intensifs et confirmé que les forces de sécurité avaient tué 16 personnes dans cette ville et blessé des dizaines d'autres. Selon ce manifestant, les forces de sécurité et des civils armés ont tiré à balles réelles sur les protestataires. Les manifestants s'étaient réunis pour les funérailles de protestataires tués mercredi, et avaient pris la direction du bâtiment des forces de sécurité, scandant «A bas le régime» et «Dégage Kadhafi». Certains manifestants ont filmé le défilé avec leurs téléphones portables. A Benghazi, bastion de l'opposition à 1000 km à l'est de Tripoli, un manifestant a rapporté que des hommes en civil armés de couteaux s'étaient joints aux forces de sécurité pour charger des centaines de manifestants, parmi lesquels de nombreux avocats, qui réclamaient une Constitution. Parallèlement, le gouvernement a incité ses partisans à manifester. Les abonnés du réseau de téléphonie mobile Libyana ont reçu mercredi un SMS appelant «la jeunesse nationaliste» à sortir pour «défendre les symboles nationaux», rapporte HRW. Face à la révolte, le régime a déployé hier matin dans Benghazi, la deuxième ville de Libye, des forces de l'ordre pour réprimer la contestation. C'est en ce sens que les comités révolutionnaires, pilier du régime libyen, ont menacé les «aventuriers» manifestant contre le pouvoir d'une riposte «violente et foudroyante», prévenant que toute tentative de toucher aux lignes rouges serait un «suicide». Sur le plan international, la France a annoncé hier qu'elle avait suspendu la veille les exportations de matériel de sécurité à destination de la Libye où la contestation contre le régime en place s'est amplifiée ces derniers jours, faisant plusieurs morts parmi les manifestants. «Les autorisations ont été suspendues hier pour l'exportation de matériel sécuritaire pour la Libye», a déclaré le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Bernard Valero.