Plus grave que Tchernobyl. C'est le scénario du pire qui se profile d'heure en heure au Japon. Les Nippons, qui ont fait preuve jusque-là d'une discipline pleine de stoïcisme et d'abnégation, amorcent une migration vers le Sud, le plus loin possible de Fukushima, qui se transforme en forges de l'enfer. La peur se répand. Les Etats occidentaux demandent à leurs citoyens de quitter le Japon. Il y a dans cet enchaînement gravissime un échec dramatique des grands experts du nucléaire civil, pour qui ce genre de situation relevait de l'hypothèse d'école et qui le qualifiait d'« extrêmement improbable». Ces formules paraissent dérisoires, même si on met en avant le fait que le terrible tremblement de terre n'a pas causé le plus de dégâts mais que c'est le tsunami géant qui est la cause du désastre. De la pure casuistique au regard de l'ampleur de la catastrophe. Le doute, mêlé à l'effroi, s'installe dans le monde entier à l'égard d'une option nucléaire qui a, jusque-là, développé une extraordinaire stratégie de marketing à éluder les questionnements. Les antinucléaires sont souvent présentés comme des esprits obtus, rétrogrades ou malintentionnés. Parmi ces antinucléaires, figurent pourtant des scientifiques de haut niveau dont les alertes et mises en garde ont été superbement ignorées ou étouffées. Le nucléaire est une affaire trop juteuse pour que la transparence et le débat public soient permis. Y compris dans les démocraties occidentales. Le désastre de Fukushima change totalement la donne. Le joli marketing des défenseurs du nucléaire est effondré. Une majorité d'Allemands est déjà pour la sortie définitive du nucléaire à une échéance courte : cinq ans. Le gouvernement allemand tente de répondre à cette angoisse légitime par la fermeture provisoire de 7 centrales nucléaires entrées en service avant 1980. La Suisse, elle aussi, a réagi en suspendant ses projets de renouvellement de centrales. Même dans des pays fortement dépendants du nucléaire, et où deux grandes entreprises sont des champions, comme la France, le débat sur le nucléaire revient avec force. Nous ne pouvons pas y échapper non plus. L'Algérie dispose d'un programme théorique de développement de l'énergie nucléaire qui verrait l'installation d'une première centrale à l'horizon 2020, qui sera suivie par d'autres. Qu'en pensent les responsables algériens après Fukushima ? On n'a pas encore entendu les responsables du secteur de l'énergie. Ce programme serait-il toujours valable après ce qui vient de se passer au Japon ? Cette question, de nombreux Algériens se la posent, même s'ils ne sont pas des «spécialistes». Et à bon droit. La catastrophe nucléaire en cours au Japon montre que le nucléaire – comme d'autres questions sensibles – ne peut être réduit à des discussions de spécialistes. L'exigence de transparence et de débat public sur les risques et les inconvénients d'une telle option s'impose. Il existe d'autres alternatives pour que l'Algérie soit en mesure de satisfaire ses besoins énergétiques futurs. Le solaire s'impose d'emblée comme l'une des options principales. Au regard des coûts, déjà exorbitants, de la catastrophe en cours au Japon, il est fondé de se demander si investir dans des centrales nucléaires est un choix pertinent. Il faut espérer que les responsables algériens ne vont pas s'enfermer dans la logique bureaucratique qui veut «qu'on a un plan» et qu'il faut s'y tenir. Cela vaut aussi pour les pays voisins qui ont également des plans de construction de centrales nucléaires. Ce qui se passe au Japon, pays développé où le souci de la sécurité est très fortement ancré, nous montre que «l'impensable» est possible. Le coût élevé de l'option solaire devient très relatif face à l'ampleur du désastre nucléaire en cours. Fukushima a beaucoup à nous dire sur les erreurs qui peuvent être évitées.