Cycle de rumeurs : on va dissoudre les chambres (ou pas). On va organiser des élections (ou pas). On va agréer de nouveaux partis (ou pas). Bouteflika, dans sa dernière lettre envoyée à des étudiants, a dit qu'il allait réformer (ou pas). Réformer quoi ? On a déjà un indice : cela ne se fera pas dans le dialogue mais dans le monologue : pour une éventuelle révision de la Constitution, le Régime ne va pas discuter avec ceux qui ne sont pas d'accord avec lui mais avec l'alliance présidentielle, c'est-à-dire le parti unique pluriel qui est d'accord avec lui-même avant lui. Continuons : au moment même où on promet d'ouvrir le système, on lance en orbite un code communal qui réduit le maire et donc le peuple qui l'élut à une photo de lointains oiseaux dans l'horizon. Un vrai code de l'indigénat pour ceux qui s'en souviennent. Et au moment même où le vent est à la liberté dans le monde, chez nous, on continue d'interdire les marches et on explique dès à présent qu'il est interdit, par la loi, aux pompiers de « parler à la presse ». Que peut dire un pompier à la presse de si stratégique mis à part le fait divers et le chiffre des sinistres ? Peut-être justement le chiffre du sinistre. Deux mois donc après la levée des vents de changement dans le monde arabe, on reste sur le constat national : il n'y pas de projet réel de changement. On ne sait pas quoi faire ni comment le faire. On appelle Belkhadem et Cie pour avoir un avis différent et on comprend vite qu'ils ne peuvent pas en avoir, par essence, par définition, par fonction. Que faire alors ? Lancer des rumeurs. C'est donc le seul pays dans le monde arabe où l'opposition et le régime s'envoient des lettres comme si les deux ne vivent pas ici : Mehri envoie à Bouteflika qui envoie à des étudiants. D'ailleurs, sur la liste, tous ont parlé à leur peuple : Assad, Salah du Yémen, Mohammed VI et même le monarque malade de l'Arabie saoudite. Le seul à correspondre avec son peuple par lettre et timbre, c'est le nôtre. Le seul qui ne nous a pas parlé, c'est le nôtre. Vingt ans aux Emirates, 12 ans dans la Présidence, à peine quelques semaines en Algérie réelle. Et dans un pays où les services de la Poste fonctionnent mal, la politique des lettres semble avoir de la bonne santé. Comme si personne ne veut voir personne. Comme si personne ne veut nous toucher la main, croiser notre regard, entendre nos sons ou avoir affaire à nos peaux et odeurs. Le peuple parle ? On lui envoie donc des lettres et de l'argent par poste. D'ailleurs, le peuple ne pourra jamais répondre: il ne connaît pas l'adresse du Pouvoir, le vrai expéditeur: on sait qu'il s'appelle Bouteflika, Zeroual, Boudiaf, Chadli, etc., mais ce ne sont que des prénoms. Personne ne connaît le nom, l'unique.