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Libye: Eclairages sur la position algérienne
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 29 - 03 - 2011

Les appels à la négociation lancés par l'Union africaine, avec l'insistance de l'Algérie au pouvoir libyen et aux insurgés, risquent d'être étouffés par le bruit assourdissant des frappes militaires des bombardiers alliés.
L'adoption de la résolution 1973 légalisant des frappes militaires sur la Libye est le fait du prince. Les Alliés en faisaient presque un rêve. Contrairement à ceux qui leur ont reproché d'avoir pris tout leur temps, les Alliés, sous l'influence de la France, ont réagi relativement vite sous prétexte qu'il y avait mort d'hommes.
L'option militaire n'était cependant pas la seule solution pour protéger les civils. Peu importe, ils ont décidé ainsi de rajouter des morts aux morts du colonel Kadhafi.
La Ligue arabe et l'Union africaine ont fait dans un suivisme bête et indignant. Les responsables de l'UA tentent néanmoins, tant bien que mal, de rattraper ses graves bévues en se portant médiateurs entre les parties en conflit. Dans sa déclaration samedi dernier à la presse, le ministre délégué chargé des Affaires africaines et maghrébines, représentant de l'Algérie dans les travaux de la commission africaine pour la médiation en Libye, semblait assez confiant. Abdelkader Messahel a fait savoir que la Commission a fait voter une feuille de route pour la soumettre aux parties libyennes en conflit. Feuille de route à laquelle le pouvoir de Kadhafi à Tripoli a déjà donné son aval. Les membres de la Commission doivent rentrer à Benghazi pour rencontrer les insurgés.
Il est clair que pour réussir cette médiation, il faut que les deux parties soient disponibles pour en négocier les conditions, les moyens et les objectifs. Il faut que le cessez-le-feu prenne effet et que les bombardements des Alliés cessent. Ce qui semble peu probable dans un contexte où les Etats-Unis et notamment la France tiennent à sortir vainqueurs d'une guerre dont le seul objectif est de neutraliser Kadhafi et participer directement à l'instauration d'un système confortant leurs visées géopolitiques et géostratégiques.
Les Alliés compliquent la tâche aux Africains en s'entêtant à continuer la guerre. L'ingérence est de fait confirmée non seulement en Libye mais dans la région et dans tout le continent. L'Afrique semble clouée au pilori au moment où les alliés survolent, fouillent et bombardent ses territoires sous l'œil complice des Nations unies. L'Algérie veut que le pouvoir et l'opposition libyens puissent «seuls» négocier le changement politique dont a besoin leur peuple. La Libye, faut-il le noter, a de très longues frontières avec l'Algérie. «Les plus difficiles en matière de sécurité et de contrebande de tout genre», nous explique une source du ministère des Affaires étrangères.
L'Algérie craint le pire pour la région
Alger reconnaît en le pouvoir de Kadhafi «un bon surveillant de l'ensemble de ses étendues désertiques». Le régime libyen, nous dit-on, «déploie une main de fer et scrute avec une vigilance remarquable les mouvements aux frontières et plus loin encore». Alger qualifie Tripoli de «partenaire stratégique dans la lutte antiterroriste».
Les armes mises en circulation en Libye déstabilisent fortement la région et font peser sur elle une menace grandissante d'insécurité. Au déclenchement du conflit libyen, l'Algérie s'est retrouvée prise entre le marteau et l'enclume. Elle a alors adopté une position jugée par des observateurs avertis «molle mais juste». Position qui semble se conformer à la préservation d'intérêts nationaux vitaux. C'est ce qu'on appelle la raison d'Etat. Le bruit des armes qui résonnent en Libye laisse l'Algérie craindre le pire pour la région.
«Nous appelons de toutes nos forces à un cessez-le-feu et à l'ouverture de négociations entre le pouvoir et l'opposition ; ceci est pour le bien de l'ensemble des pays du Maghreb», nous disent nos sources du MAE.
Les autorités algériennes refusent que leur «discrétion» sur la question soit assimilée à un soutien à Kadhafi. Mais elles rejettent aussi toute forme d'intervention étrangère «dont les objectifs n'ont rien à voir avec le droit humanitaire». Outrés par les bombardements des alliés sur la Libye, des responsables algériens rappellent que «quand les Occidentaux décident d'une guerre, ils ne s'encombrent jamais du sort des populations civiles». L'on interroge : «Si le peuple libyen s'est révolté contre un ordre établi, c'est qu'il sait ce qu'il veut. Alors pourquoi cherche-t-on à lui dicter la démarche à entreprendre ?».
Pour nos interlocuteurs, en Libye, «tout autant que dans tous les pays arabes, les élites existent et savent réfléchir pour initier le changement politique qu'il faut à leurs pays et à leurs peuples. On sait que toutes les libertés s'arrachent, il y a un prix à payer. Les Libyens sont prêts à se sacrifier : la preuve, ils se sont révoltés, ils n'ont besoin de l'assistance de personne !».
Le sentiment colonial de la France de Sarkozy
On pense qu'il faut être profondément animé par une volonté farouche de sauver des intérêts colossaux pour que les Alliés entreprennent cent cinquante frappes militaires, en quelques heures à peine, sur des objectifs stratégiques libyens. C'est ce qu'ils ont fait samedi dernier et continuent de faire au nom «du droit humanitaire». L'acharnement dont font preuve les pays de l'Alliance nord-atlantique (OTAN) pour en découdre avec le colonel Mâammar Kadhafi donnent froid dans le dos en raison des conséquences qu'elles pourraient avoir sur l'unité du peuple libyen, ses territoires et sur la région tout entière.
Les Américains sont connus pour commencer une guerre et ne pas s'empresser de la finir. Sous le parrainage de l'OTAN, leur guerre contre l'Afghanistan devait durer un seul printemps… L'on sait aussi que leur colonisation de l'Irak fait regretter Saddam Hussein à beaucoup d'Irakiens. La France de Sarkozy lui emboîte aujourd'hui le pas et bombarde une région qui doit réveiller en elle le sentiment colonial enfoui dans ses tréfonds. Sentiment qu'elle ne peut dissimuler chaque fois qu'elle regarde du côté du Maghreb et de l'Afrique.
Toutes les vies humaines n'obligent pas alors au même respect de ces pays qui se sont érigés en protecteurs et en défenseurs du peuple libyen. Dans un passé très récent, Paris a, pour rappel, brandi son veto pour empêcher la constitution d'une commission onusienne devant enquêter sur les raids militaires marocains contre les camps sahraouis. Les Etats-Unis, eux, c'est connu, n'ont aucune gêne à mettre leur veto contre toute résolution condamnant Israël pour ses crimes génocidaires contre le peuple palestinien.
Dans l'incapacité d'éviter ou d'interdire des guerres, l'Organisation des Nations unies (ONU) n'a pour sa part plus de raison d'être. Créée pour remplacer la Société des Nations qui n'avait pas réussi à empêcher le monde de sombrer dans une Seconde Guerre mondiale, aujourd'hui, l'ONU ne fait pas mieux. Elle assiste impuissante à la violation du droit international et au piétinement d'un grand nombre de ses résolutions. Les Etats-Unis, Israël - et la France, leur allié déclaré - lui font un pied de nez et l'obligent même à ignorer les appels de détresse de femmes, de vieux et d'enfants palestiniens qui n'ont que les larmes pour pleurer et quelques pierres pour se défendre contre une puissance nucléaire. Bien que connues par le monde entier, les terrifiantes situations des peuples opprimés, particulièrement arabes et musulmans, doivent être rappelées en permanence à l'opinion internationale pour qu'elles ne soient pas versées dans le chapitre de l'oubli.


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