Ben Laden a-t-il été exécuté, froidement, lors de l'opération commando de dimanche soir dans un village cossu du nord du Pakistan par des forces spéciales américaines ? C'est, entre autres, la question que se posent des observateurs sur la base des différentes versions données par la Maison-Blanche. Et les révélations sur les circonstances de la mort d'Oussama Ben Laden, (l'ex) chef du réseau d'Al-Qaïda, lors d'une opération menée par 79 hommes des forces spéciales américaines dimanche soir à Abbottabad, commencent à filtrer. Il y a d'abord le fait que l'homme le plus recherché par les services de sécurité de beaucoup de pays, dont les Etats-Unis qui avaient mis à prix sa tête, n'était pas armé. Selon le porte-parole de la Maison-Blanche, Jay Carney, Oussama Ben Laden n'était pas armé lorsqu'il a été tué par des commandos américains. Jay Carney présente une nouvelle version de la mort du chef d'Al-Qaïda, dont la photo de la dépouille est «atroce». Pendant cette attaque, «il existait une inquiétude sur le fait que Ben Laden s'opposerait à l'opération de capture, et en effet il a résisté (...). Ben Laden a été tué par balle. Il n'était pas armé», a déclaré M. Carney lors d'un point de presse. Les commandos ont trouvé «Ben Laden et sa famille (qui) se trouvaient aux deuxième et troisième étages du bâtiment», a relaté Jay Carney. «Dans la pièce, il y avait une femme avec Ben Laden, l'épouse de Ben Laden, qui s'est précipitée sur les assaillants américains. Elle a reçu une balle dans la jambe, mais elle n'a pas été tuée», a ajouté le porte-parole. Les commandos ont trouvé «Ben Laden et sa famille (qui) se trouvaient aux deuxième et troisième étages du bâtiment», a relaté Jay Carney. Deux autres familles, celle de l'émissaire de Ben Laden et celle de son frère, habitaient également dans la résidence: «la première au premier étage du bâtiment où habitait la famille Ben Laden et l'autre dans un second bâtiment», qui se trouvait dans l'enceinte de la résidence, selon M. Carney. Deux hélicoptères se sont posés avec deux équipes de commandos. L'une d'elles est intervenue dans le bâtiment principal, remontant vers le troisième étage, l'autre se chargeant de l'autre bâtiment. «L'équipe a parcouru la résidence de façon méthodique, pièce par pièce, au cours d'une opération qui a duré près de 40 minutes», a affirmé M. Carney, selon qui des échanges de coups de feu ont eu lieu tout au long de l'intervention. Sur la photo de Ben Laden, il a répondu: 'Je serai franc, la publication de photos d'Oussama ben Laden après cette fusillade est sensible, et nous évaluons la nécessité de le faire. On peut dire que c'est une photo atroce». Une fille de Ben Laden a tout vu Dans la maison forteresse d'Abbottabad, les services de sécurité pakistanais, arrivés sur les lieux après le départ du commando américain qui avait emmené le corps de Ben Laden, ont trouvé des femmes et beaucoup d'enfants. Une fille de 12 ans d'Oussama Ben Laden, détenue au Pakistan avec une de ses épouses et d'autres enfants présents dans la maison au moment du raid, a raconté avoir vu les soldats américains tuer le chef d'Al-Qaïda, a indiqué un responsable du renseignement pakistanais. Elle a été retrouvée par les forces pakistanaises arrivées sur les lieux après le départ du commando américain héliporté, en compagnie de deux ou trois femmes et huit autres enfants dans la maison de trois étages, selon un officier de l'Inter-Services Intelligence (ISI), le renseignement pakistanais. Ils sont maintenant détenus par les services de sécurité et certains, blessés ou choqués, ont été hospitalisés, avait indiqué le gouvernement pakistanais, qui a promis de veiller sur eux avant de les remettre aux autorités de leurs pays d'origine. Les femmes et enfants retrouvés dans la maison de Ben Laden sont de nationalités saoudienne et yéménite. La fille de Ben Laden a confirmé aux services de sécurité pakistanais que quatre cadavres avaient été découverts dans la maison, dont ceux d'un des fils de Ben Laden et de deux hommes, des frères, le quatrième n'ayant pas été identifié. «Il y a un tas de questions que nous voulons leur poser», a indiqué un autre officier des forces de sécurité. Mais cette opération des forces spéciales américaines a provoqué l'ire des responsables pakistanais, qui ne sont pas loin d'accuser les Etats-Unis d'avoir violé leur intégrité territoriale, au moment où, à Washington, on se pose des questions sur le peu d'efficacité des services secrets pakistanais dans la traque de Ben laden. Le Pakistan a ainsi dénoncé le raid américain engagé sur son sol pour éliminer Oussama Ben Laden, deux jours après la mort du chef d'Al-Qaïda, tandis que les Etats-Unis avouaient avoir tenu leur allié à l'écart de l'opération par crainte qu'il ne donne l'alerte. «Le Pakistan exprime sa vive préoccupation et ses réserves sur la manière dont le gouvernement américain a mené à bien cette opération sans information ni autorisation préalables du gouvernement pakistanais», a fait savoir le ministère pakistanais des Affaires étrangères. Bien plus, le Pakistan a rejeté mercredi les accusations de soutien à Ben Laden lancées par les Occidentaux, Islamabad dénonçant un «échec» global des services secrets à retrouver plus rapidement le chef d'Al-Qaïda caché dans une villa du Pakistan. Le Premier ministre pakistanais, Yousuf Raza Gilani, a estimé que cela témoignait de «l'échec du renseignement dans le monde», y compris aux Etats-Unis et pas seulement au Pakistan. Le djihad ne va pas s'arrêter «Nous sommes au milieu d'une guerre, nous combattons une guerre contre le terrorisme et nous avons la volonté de lutter contre l'extrémisme et le terrorisme», a par ailleurs assuré le Premier ministre pakistanais, en visite à Paris, pour écarter les accusations de double jeu. Au Yémen, un chef local d'Al-Qaïda dans la péninsule Arabique (Aqpa), dans le sud du pays, a promis mercredi de venger Oussama Ben Laden. «Nous vengerons notre cheikh Oussama. Nous en apporterons la preuve aux ennemis de Dieu. Ils verront ce à quoi ils ne s'attendaient pas», a déclaré ce chef de l'Aqpa dans la province d'Abyane, un fief du réseau. Pour ce chef local qui a requis l'anonymat, «le martyre de cheikh Oussama ne signifie pas que le jihad va s'arrêter». Selon lui, l'Aqpa, issue de la fusion des branches saoudienne et yéménite d'Al-Qaïda, «prépare un plan d'action pour la poursuite du jihad durant la prochaine étape». Il n'a pas donné plus de précisions. Enfin, le chef de la CIA a averti que celui qui prendra la tête d'Al-Qaïda sera le prochain sur la liste des services de sécurité américains, l'homme à abattre.