Le ministre tunisien des Finances, Jalloul Ayed, croit dans les capacités de redémarrage de l'économie de son pays mais il s'inquiète de l'impact particulièrement lourd de la crise libyenne. Il espère que la crise en Tunisie sera «confinée» à 2011 et que 2012 sera celle du redécollage. Pour appuyer son appel à la fin des «sit-in, grèves et revendications», le Premier ministre tunisienne Béji Caïd Essebssi a dressé, le 8 juin dernier, un tableau peu sombre de la situation : 281 entreprises sinistrées, un tourisme au plus bas, 700.000 chômeurs dont 150.000 diplômés et une projection de croissance de 1% qui permet à peine de créer 16.000 emplois. Cet appel, Jalloul Ayed, ministre des Finances, souhaite vivement qu'il soit entendu par les Tunisiens. «C'est essentiel pour permettre la tenue d'un scrutin libre et transparent le 23 octobre, et la relance économique». Le temps supplémentaire accordé au gouvernement de transition, il compte le mettre à profit pour tenter de satisfaire les demandes des salariés, des chômeurs, des organisations de la société civile, «sans mettre en péril la situation budgétaire du pays». Ensuite, il s'agira de «préparer l'avenir». Des chantiers ont été ouverts avec notamment la mise en place d'un nouveau cadre règlementaire pour la micro-finance, le capital-risque et le capital-développement. Des mesures ont été également prises en faveur des PME-PMI. Jalloul Ayed envisage également un grande réforme du système public et de trois secteurs prioritaires (le transport, le tourisme et l'éducation) et une autre grande réforme du système financier. Un Fonds souverain et une caisse des dépôts La Tunisie a présenté au G8 un programme économique axé sur la relance de l'investissement afin de résorber le chômage. «Pour accompagner cette relance, nous devons impérativement réformer notre système financier. L'objectif est de renforcer l'intervention des institutions financières, en particulier bancaires, dans le financement de l'économie. Il faut améliorer la gouvernance des banques, renforcer leur capacité à gérer les risques, améliorer leur support informatique et leurs ressources humaines». Il s'agit de tracer les grandes lignes de la réforme qui pourrait être engagée au début de l'année 2012. Des discussions vont s'engager avec la Banque Mondiale et la Banque africaine de développement pour «élaborer un plan très détaillé». Pour encourager l'investissement, Jalloul Ayed a entrepris de lancer deux structures : un Fonds souverain, ou fonds générationnel, pour soutenir les investisseurs privés, et une caisse des dépôts, pour financer de grands projets d'infrastructures publics, qui dépassent les capacités d'investissement du secteur privé. «Chacun devrait être doté au départ de 2,5 à 3 milliards de dinars. Ce sont nos fonds propres qui vont alimenter ces structures pour commencer, puis on espère augmenter avec des investissements sécurisés». Sur le long terme, il espère que ces structures pourraient couvrir une enveloppe d'investissements de 50 à 60 milliards. Jalloul Ayed admet qu'il n'y a pas eu d'engagements clairs de la part du G8, mais précise-t-il, «on n'y est pas allé pour cela On attendait une déclaration forte pour soutenir nos mouvements de démocratisation, et nous l'avons obtenue, et même au-delà». Pour lui, la réunion des ministres des Finances, le 12 juillet à Bruxelles, va permettre de clarifier la situation. «On aura une idée plus précise sur les engagements du G8 et de nos partenaires étrangers en général». La Tunisie souhaite avoir 25 milliards de dollars sur cinq ans. A cette rencontre de Bruxelles, la Tunisie ira «avec une meilleure idée sur l'expression de ses besoins». Le plus crucial sera de consolider la démocratie La plus grande inquiétude du ministre des Finances tunisien se rapporte à la situation en Libye. «Le conflit nous fait beaucoup de tort et s'il perdure, l'impact économique et même sécuritaire sur la Tunisie pourrait être majeur». Le manque à gagner en termes d'investissement et de commerce est très important. «La situation a un impact direct sur le tourisme, puisqu'environ 1,5 million de Libyens visitent la Tunisie chaque année, souvent les poches pleines». Le conflit décourage aussi les «touristes occidentaux, qui craignent pour leur sécurité dans une région instable. Enfin, cela engendre un risque terroriste qui peut exacerber les tensions au sud du pays, qui fait face à l'afflux de milliers de réfugiés». La seconde inquiétude porte sur la stabilisation interne. Il souhaite que la crise reste confinée à l'année 2011 et qu'en «2012 ça reparte». «Nous avons l'espoir. L'économie de la Tunisie a la capacité de rebondir assez rapidement. Si la situation en Libye s'améliore, ça va permettre une reprise encore plus importante». «La Tunisie a tous les atouts pour mener à bien sa transition démocratique. Mais une deuxième étape, plus cruciale encore, l'attendra: la consolidation de la démocratie».