Le président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme (CNCPPDH), Me Farouk Ksentini, emboîte le pas à la rapporteuse des Nations unies qui a dénoncé «l'opacité totale qui entoure l'établissement des listes des bénéficiaires des logements sociaux en Algérie». «Nous réclamons la transparence dans l'établissement des listes des bénéficiaires des logements. Ceci est un droit», a déclaré Me Ksentini, qui s'exprimait sur la radio chaîne 3. Et le président de la CNCPPDH de dénoncer «la discrimination dont sont notamment victimes les femmes et les personnes âgées dans l'accès au logement». Invité à commenter le récent rapport américain qui faisait état de «trafic d'être humain en Algérie», Me Ksentini a qualifié ce rapport d' «affabulation scandaleuse car il est totalement infondé». «J'attends, dit-il, que le gouvernement algérien réagisse à ces accusations mensongères qui n'ont pour finalité que de ternir la réputation de notre pays». Interrogé sur la récente adoption par le parlement du projet d'amendement du code pénal, Me Ksentini qualifie cette réforme de «progressiste». Evoquant la réforme de la justice, Me Ksentini déplore le fait que «malheureusement il n'a pas été tenu compte du rapport Issad». «La commission Issad a effectué un travail extrêmement appréciable. Je ne comprends absolument pas pourquoi l'on n'en a pas tenu compte», regrette l'invité de la radio. Dans son rapport 2010 qui sera remis au chef de l'Etat avant la fin de l'année, la CNCPPDH a soumis des propositions pour améliorer l'action judiciaire. «Il faut que la justice garde sa crédibilité. Il est important aussi d'avoir une justice de qualité en fournissant plus d'efforts dans la formation des juges et des avocats. La réforme n'a pas encore apporté ses fruits car elle est en cours et elle est perfectible » a-t-il soutenu. Me Ksentini dénonce, dans la foulée, le recours «abusif et systématique» à la détention préventive en Algérie. Ceci est consacré dans son rapport annuel sur la situation des droits de l'homme adressé, il y a un mois, au président de la République. Me Ksentini estime que la détention préventive est une «grande faiblesse du système judiciaire algérien». Selon le ministère de la Justice cette catégorie de détenus représente 11% de la population carcérale. Mais pour Me Ksentini, «au moins le tiers des prisonniers sont détenus à titre préventif». Pas moins de 56.000 personnes sont détenues dans les 133 prisons que compte l'Algérie. «Nous n'avons pas les mêmes critères sur la détention préventive», relève Me Ksentini qui explique qu'au regard de la loi, est considérée en état de détention préventive toute personne qui n'est pas définitivement condamnée. Mais pour le ministère de la Justice, seules les personnes mises en détention préventive par le juge d'instruction le sont à titre préventif. «Si l'on applique bien la loi, on peut supprimer cet abus et à ce moment-là, on peut dire que la justice est réellement irréprochable», soutient le président de la CNCPPDH. Cet avocat évoque une «situation dramatique qu'il faut absolument changer». Me Ksentini dit avoir émis des propositions contenues dans un rapport qu'il a remis au président Bouteflika, sur la réconciliation nationale et la liberté de la presse. Evoquant la réconciliation nationale, Me Ksentini estime qu'il y a des «mesures complémentaires» à prendre, «car, dit-il, il y a des oubliés de ce processus, à l'image des prisonniers du Sud qui n'ont pas été dédommagés et qui ont besoin d'être réhabilités moralement». Et de souligner la nécessité d'accorder un statut aux familles des disparus et à celles des victimes du terrorisme. Abordant la liberté de la presse, il se dit favorable à sa «totale liberté». Pour lui, la situation de la presse s'est «indiscutablement améliorée», mais il estime «inadmissible d'emprisonner un journaliste pour ses écrits». «Le texte lié à la liberté de la presse qui a été adopté par le parlement m'a satisfait mais puisque les professionnels des médias ne sont pas contents alors il faut le revoir et lui apporter les modifications nécessaires», a-t-il déclaré. Répondant à une question sur les personnes détenues en 1992 au sud du pays, dont le nombre est estimé entre 15.000 et 18.000, Ksentini a considéré qu' «une réparation de l'Etat tant pécuniaire que morale est nécessaire. Une personne qui a été déportée vers le Sud a le droit de refuser d'être assimilée à un terroriste».