Le président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme (CNCPPDH), Me Farouk Ksentini, a interpellé, dans son rapport annuel sur la situation des droits de l'homme en Algérie, le chef de l'Etat sur la détention préventive et l'usage «abusif et systématique» qui en est fait. Dans un entretien à l'APS, Me Ksentini relève que la détention préventive est une «grande faiblesse de notre système judiciaire». Le ministère de la Justice avance un taux de 11% des personnes en détention par rapport à la totalité des détenus. Pour Me Ksentini, ce taux est «beaucoup plus important» et représente «au moins le tiers» des prisonniers. La population carcérale dans les 133 centres de détention que compte le pays s'élève à environ 56 000 détenus. «Nous n'avons pas les mêmes critères sur la détention préventive», explique l'avocat qui relève que la loi considère en état de détention préventive toute personne qui n'est pas définitivement condamnée, alors que le ministère de la Justice considère en état de détention préventive uniquement les personnes placées en détention préventive par le juge d'instruction. «Si on apporte des corrections avec un peu de bon sens et de bonne volonté, l'Algérie peut devenir un Etat extrêmement propre en matière de droits de l'homme», a estimé Me Ksentini. Le président de la CNCPPDH a souligné avoir interpellé le président de la République dans un rapport remis il y a deux semaines sur d'autres sujets, notamment la réconciliation nationale, la levée de l'état d'urgence, la liberté de la presse, la liberté d'opinion et de culte. Le rapport aborde également la question des droits sociaux et insiste, selon son auteur, sur les élections que la commission voudrait «transparentes». Le rapport fait état aussi du «malaise social» dans le pays, de la souffrance de la jeunesse «marginalisée» et «désespérée» de trouver un logement ou du travail, et aborde le phénomène des harraga. Me Ksentini a ajouté avoir insisté sur la nécessité d'approfondir la démocratie. Le plus important en démocratie, pour la CNCPPDH, ce sont des élections «totalement libres et transparentes, de manière à les rendre indiscutables aux yeux de l'opposition». «Cela me chagrine de voir que l'Etat diabolise l'opposition et que l'opposition diabolise l'Etat, alors que les deux parties devraient travailler pour l'amélioration de la pratique démocratique», a commenté Me Ksentini. Il a également regretté que des partis politiques algériens aient « refusé» de prendre part aux consultations sur les réformes politiques. Au volet de la réconciliation nationale, l'avocat pense qu'il y a des «dispositions complémentaires» à prendre en faveur des internés du Sud qui n'ont pas été indemnisés, des familles des disparus et des familles des victimes du terrorisme.