Au quinzième jour du mois de carême, les marchés se parent déjà pour l'Aïd. Les commerçants semblent s'être donné le mot pour garnir synchroniquement leurs étalages d'arômes, d'eau de fleur, de levure, de sucre glacé, de graines de sésame, de flacons de miel et une diversité d'autres ingrédients nécessaires pour la préparation des gâteaux. Des amandes, des cacahuètes, des noix de coco et de noisettes, pour ne citer que ceux-là, complètent également les éventaires installés dans les différents marchés de la ville. L'Aïd s'annonce déjà par le biais des étals judicieusement agrémentés. En empruntant une rue commerçante, son approche est aussi perceptible à travers les senteurs, qui taquinent avec douceur l'odorat. Les revendeurs à la sauvette de la rue des Aurès (ex-La Bastille), qui proposent à la criée leurs produits, imposent une rude concurrence aux établissements de commerce, dont les étalages débordent sur la rue. «Il faut savoir faire la part des choses. Nous sommes tous des fraudeurs. Nous autres activons sans autorisation tandis que les gérants des établissements font dans l'extension illicite», a ironisé un jeune revendeur. Dans cette anarchie, la ménagère donne l'impression de ne pas tenir compte de cet état de fait et encore moins de la mauvaise qualité des produits, dont certains ont dépassé leur date de péremption. «Ce qui m'intéresse surtout c'est le prix des produits. J'achète là où c'est moins cher», a fait remarquer une mère de famille. Le même son de cloche se fait entendre autour des éventaires achalandés. «Ce commerçant propose sa marchandise à des prix compétitifs. Leur qualité semble être identique par rapport aux autres» a affirmé une autre ménagère. Les petites bourses s'imposent néanmoins un frein à leurs dépenses pour cette circonstance en invoquant la rentrée scolaire, qui coïncide cette année avec la célébration de l'Aïd. «Cette année c'est une série de sacrifices. Nous subissons déjà la saignée du mois de carême en appréhendant l'Aïd. Je ne peux pas priver mes enfants de gâteaux et je ne pourrai également pas refuser de leur acheter des vêtements pour l'Aïd». Une aubaine pour certains gérants d'établissements de commerce, qui s'alignent sur une double activité. En plus des ingrédients pour les gâteaux et autres produits alimentaires, ils proposent en parallèle dans leur magasin cartables, tabliers et autres articles utiles à l'écolier. Cette année les pâtisseries semblent être boudées par les ménagères contrairement aux années précédentes. «C'est un retour aux origines. Nos ancêtres ont toujours fait eux-mêmes leurs gâteaux. Ils utilisaient pour le besoin des moyens archaïques alors pourquoi pas nous ?» s'est interrogé une jeune femme. A Oran à l'instar des autres villes du pays, les marchés se parent pour chaque circonstance et les commerçants adaptent leurs étalages de manière synchronique. Le visiteur occasionnel n'identifie pas uniquement l'évènement à travers un constat de visu. Son odorat est aussi agréablement sollicité. Que ce soit à M'dina Jdida, Derb, ou à Michelet, les prémices des fêtes ont de tout temps constitué l'essentiel de l'ambiance prévalant dans les marchés. Certes, des coutumes ont tendance à être ignorées dans certaines régions, mais elles demeurent, en revanche, toujours présentes dans d'autres.