Au lendemain de bruits sur des discussions secrètes entre la rébellion libyen ne et le pouvoir à Tripoli, le Conseil national de transition (CNT) a annoncé une nouvelle feuille de route pour gérer la période post-Kadhafi, et affirmé qu'il partira huit mois après le départ du «Guide». Nouvelle mouture du document présenté par le CNT en mars dernier, cette «pré-constitution» prévoit de remettre le pouvoir à une assemblée élue dans un délai de huit mois maximum et l'adoption d'une nouvelle Constitution. Ce texte comporte 37 articles sur une dizaine de pages, et trace les grandes étapes de la période de transition, après la chute du colonel Mouammar Kadhafi. Ainsi, le CNT réaffirme être «la plus haute autorité de l'Etat (...), le seul représentant légitime du peuple libyen, et tire sa légitimité de la révolution du 17 février». Dès la «déclaration de libération», il quittera la capitale rebelle Benghazi pour venir siéger à Tripoli. Sitôt au pouvoir dans la capitale libyenne, le CNT nommera, dans un délai maximum de trente jours, un bureau exécutif temporaire ou gouvernement provisoire chargé de la conduite des affaires du pays. Ce gouvernement aura notamment pour mission d'organiser en un maximum de 240 jours (huit mois) l'élection d'une «Conférence nationale», Assemblée nationale de transition dotée de 200 membres. Le CNT quittera le pouvoir dès la première session de cette «Conférence nationale», qui deviendra, dès lors, le représentant légitime du peuple libyen. Et un Premier ministre sera nommé dans un délai n'excédant pas trente jours par l'assemblée de transition, le nouvel exécutif devant être soumis à un vote de confiance. Ensuite, la même assemblée désignera un Comité chargé de rédiger une nouvelle Constitution dans une période de 60 jours maximum. Après son examen et adoption par l'Assemblée de transition, le projet de Constitution sera soumis à référendum dans les trente jours, et adopté à la majorité des deux tiers. Dans les trente jours suivant sa première session, l'Assemblée de transition aura également pour tâche de mettre en place une nouvelle loi électorale, en prévision de l'organisation d'élections générales dans les 180 jours (6 mois). Le gouvernement aura la charge d'organiser ces élections «de façon transparente et démocratique». Le processus sera supervisé par l'ONU et autres organisations internationales. Les résultats de ces élections sont approuvés par le Congrès dans les trente jours, avec la convocation le mois suivant du nouveau Parlement élu, qui met ainsi fin formellement à la période de transition. L'agenda politique de la rébellion, basée à Benghazi, est ainsi tout tracé ; pour autant, l'essentiel reste à faire, c'est-à-dire chasser Kadhafi du pouvoir ou s'entendre avec lui pour qu'il quitte le pays. Les choses n'évoluent pas forcément vers cette direction, dans le contexte actuel selon la vision du CNT, même si sur le terrain la rébellion, appuyée par l'OTAN, a pris des villes stratégiques. Poursuite des combats Le front reste dominé par d'intenses combats autour de villes comme Zawiyah et Brega, et sur la route menant vers la capitale libyenne. Et, dans le camp de la rébellion, l'optimisme est de rigueur. «Nous entrons dans une phase décisive, bientôt nous libèrerons tout le sud de la Libye. Nous espérons fêter la victoire finale en même temps que la fin du ramadan», fin août, a déclaré mardi Mansour Saif al-Nasr, représentant en France du Conseil national de transition libyen (CNT). »Nos forces contrôlent totalement Zawiyah, qui ouvrira la porte vers Tripoli. Ceci permettra à la population de s'y révolter», a-t-il ajouté. »La population à l'intérieur de Tripoli prépare ce soulèvement», a-t-il dit, assurant que les conditions de son succès étaient réunies: les pro-Kadhafi »n'ont pas de forces aériennes, pas de chars et nos forces sont à l'entrée de Tripoli». La conquête de Zawiyah, Sorman et Gharyane a permis également à la rébellion de contrôler un segment de la route côtière et de couper la ligne d'approvisionnement entre la Tunisie et Tripoli, essentielle pour le régime de Mouammar Kadhafi. Les insurgés ont aussi progressé ces derniers jours à Brega, poste avancé depuis avril des pro-Kadhafi dans l'Est. Les combats, qui se poursuivaient mardi, ont fait 15 morts dans les rangs des insurgés depuis lundi, mais les rebelles contrôlent désormais la quasi-totalité de la zone résidentielle. Pourtant, à Tripoli, le porte-parole du régime, Moussa Ibrahim, s'est toutefois montré optimiste, assurant que l'armée avait le «contrôle total» de Zawiyah et de Sorman et qu'elle était en train de «traiter la situation» dans plusieurs autres localités de la région en proie à des «bandes armées». C'est dans ces circonstances que des discussions entre les deux camps auraient été organisées à Djerba, dans le sud de la Tunisie. Aucune information n'a filtré de ces discussions, sauf un démenti des rebelles qui ont nié la tenue d'une telle rencontre, alors que l'envoyé spécial du SG de l'ONU avait affirmé à Tunis lundi avoir rencontré des membres des deux camps. Abdula Illah Al Khatib a indiqué à l'agence tunisienne TAP avoir rencontré «des représentants du CNT et du gouvernement libyen, sans que ce soit dans le cadre de négociations officielles». Il n'a pas dit qui il avait rencontré ni si ces rencontres avaient eu lieu séparément et a précisé «ne pas être informé de négociations en cours» entre représentants des insurgés et du régime. La rébellion, de son côté, a catégoriquement démenti: «Il n'y a pas de négociations, directes ou indirectes, avec le régime de Kadhafi», a affirmé le président du CNT, Moustapha Abdeljalil, à Benghazi, rappelant que le CNT exigeait le «départ du colonel Kadhafi du pouvoir et du pays».