Deux attentats kamikazes ont ciblé vendredi soir le mess de l'Académie militaire interarmes de Cherchell faisant plusieurs morts et blessés parmi les officiers et les civils. Ce n'est qu'hier en fin de matinée que le ministère de la Défense nationale a rendu public un communiqué dans lequel il fait part « d'un crime terroriste (qui) a ciblé le mess extérieur de l'Académie militaire interarmes de Cherchell, le vendredi soir à 19h40, faisant 18 martyrs dont 16 officiers et 2 civils et blessant 20 autres qui ont quitté l'hôpital après qu'ils aient reçu les soins nécessaires. 6 parmi les blessés sont encore sous observation médicale dont un dans un état grave.» Le MDN s'est donc abstenu de parler de la nature des attentats alors que plusieurs responsables ont affirmé qu'il s'est agi de deux attentats kamikazes qui ont été perpétrés à l'intérieur du mess au moment où les officiers prenaient leur f'tour. «Un kamikaze portant une ceinture d'explosifs est entré à l'intérieur du mess et s'est fait explosé tuant et blessant plusieurs officiers. Ceux qui voulaient fuir ont péri dans le deuxième attentat kamikaze dont l'auteur était sur une moto piégée, » nous a dit un haut responsable de la sécurité qui a tenu à garder l'anonymat parce que nous, a-t-il dit, «je suis un civil, je n'ai pas le droit de parler à la place des militaires.» Nous avons pris contact avec lui le vendredi vers un peu plus de 23h. Il a fait état de 24 morts et probablement, a-t-il affirmé « autant de blessés. » Pour lui, les terroristes ont voulu marquer un grand coup médiatique. «Ces attentats ont été certainement préparés depuis longtemps, le premier kamikaze est rentré sans difficulté à l'intérieur du mess alors que le quartier où se trouve l'Académie est hautement sécurisé, » explique notre source qui est persuadée que la complicité est grande dans ce tragique événement. « Les kamikazes doivent bien connaître les lieux pour n'avoir pas éveillé les soupçons des gardes, » pense le haut responsable. « Il est même possible qu'ils aient fait leurs classes dans l'Académie même, » indique-t-il. Hier matin, nous nous sommes déplacés à Cherchell. Il était à peine 8h30 quand nous arrivons devant le mess. Cherchell semblait dormir encore. Les habitants ont dû passer une nuit agitée après avoir entendu trois fortes déflagrations. En effet, un grand nombre de Cherchelois nous racontaient hier que les deux premiers attentats ont eu lieu pratiquement l'un après l'autre, à quelques minutes près, alors qu'une troisième déflagration a été entendue vers les coups de 00h 30. «On dit que c'était une bombe qui a été placée tout près de la bâtisse du mess, dans les alentours du théâtre romain, mais qui a été découverte par les services de sécurité et a été désamorcée, » nous dit un habitant de la ville. Les preuves de la complicité A notre arrivée devant le mess, il régnait une atmosphère lourde, très lourde. Mais il faut reconnaître que les officiers étaient calmes et corrects avec ceux qui les abordaient. «Attendez un peu, c'est sûr que le chargé de la communication va venir, » nous a dit en premier un commissaire divisionnaire des services de police qui venait visiblement d'arriver au mess. Après quelques minutes, c'est un colonel, la mine quelque peu défaite qui est venu nous saluer et nous prévenir de l'arrivée des responsables de la communication. Une demi-heure après, c'est un jeune commandant qui est venu vers nous pour nous dire qu'il ne servait à rien d'attendre «personne ne peut vous parler, tout le monde est en réunion à l'intérieur, et moi, je ne suis pas habilité à vous parler.» Nous remarquerions que les djounouds poussaient les barrières de sécurité le plus loin possible des murs de l'Académie pour élargir l'espace de contrôle de sorte à interdire aux passants la grande rue qui la lie au mess. Il est clair que les traces des attentats ont été effacées. Restait quand même une tâche de sang à l'entrée du mess. Fait curieux, aucun dégât matériel n'est visible à l'extérieur de la bâtisse. L'on remarque seulement que l'un des bâtiments de l'Académie qui lui fait face a eu les vitres soufflées. L'on nous explique alors que les attentats ont été perpétrés bien loin de l'entrée. « Carrément à l'intérieur du mess, ce qui prouve incontestablement qu'il y a eu complicité, » nous dit un autre responsable que nous avons joint hier matin. Sur une ruelle qui monte, nous avons croisé deux jeunes hommes qui avaient la mine triste et inquiète. « C'était l'horreur, il y a eu beaucoup de morts, les ambulances n'avaient pas suffi, il y avait des têtes qui roulaient par terre , » nous a dit l'un d'eux. Dans les alentours, une famille avait déjà placé des chaises dehors pour recevoir ceux qui venaient lui présenter leurs condoléances. « C'est un jeune qui a suivi son père pour voir se qui se passe, son père n'a rien eu mais lui a reçu des débris d'explosifs, il est mort sur le coup, » nous disait un de leurs voisins. L'académie de Cherchell, un haut lieu de la sécurité Joint par téléphone, un des responsables de la sécurité qui nous a précisé hier matin qu'il venait vers Cherchell « pour inspecter les troupes, » a fait état, lui, de 18 morts dont plusieurs commandants et capitaines ainsi que 4 officiers étrangers. Deux Syriens qui ont péri dans ces attentats ainsi qu'un Tunisien et un Malien, ils étaient là pour leur formation, « nous a-t-il expliqué. Il nous fait part aussi de 35 blessés dont certains dans un état grave. Rompu à la pratique sécuritaire, notre interlocuteur est certain que « le coup a été préparé depuis longtemps sur la base de renseignements de l'intérieur et de l'extérieur.» Il fera le lien entre ce qui se passe en Libye en indiquant que «les frontières sont devenues des passoires, les armes rentrent dans le pays avec une grande facilité, ce qui va donner de nouveaux moyens aux groupes terroristes.» Il n'est pas le seul responsable à craindre le pire. «Le pire est déjà là, on parle de résiduel certes mais aujourd'hui, nous voyons que les terroristes ont la même capacité de nuisance qu'il y a quelques années. Les attentats kamikazes au mess de l'Académie militaire interarmes de Cherchell, ce haut lieu, gage de la sécurité même du pays, obligeront les responsables de la lutte antiterroriste à revoir profondément leur stratégie et leurs moyens de sécuriser le pays,» nous disait hier l'un d'eux. «Ce crime terroriste qui a ciblé le mess extérieur de l'Académie montre, encore une fois, que les groupes terroristes résiduaires tentent par cet acte abject de réaliser des objectifs médiatiques afin de desserrer sur eux l'étau des forces combinées de sécurité dont les résultats positifs sur le terrain sont réels notamment ces dernières semaines,» écrivent les responsables du MDN dans leur communiqué. «Cet horrible événement est venu rappeler à l'ordre ceux qui pensaient avoir tout compris, pour un coup affreux c'en est un ! » ajoute le haut responsable avec lequel nous avons pris contact hier matin. Mieux encore, il ira jusqu'à remettre en cause la politique de la réconciliation nationale. « La rahma et la réconciliation nationale montrent leurs limites, le président de la République doit passer à autre chose de plus radicale, » recommande-t-il. «L'état major de l'armée nationale populaire ( ) affirme qu'il persiste dans sa lutte pour libérer le pays de ces criminels et pour répandre la sécurité et la quiétude à travers le pays, » lit-on dans le communiqué du MDN.