Le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT), Mustapha Nabli, a déclaré à maghrebemergent.info être tout à fait tranquille sur l'évolution des comptes extérieurs de son pays. L'année 2011 a été difficile, mais elle a libéré une dynamique qui annonce un fort rebond en 2012, traduit par une bonne prévision par le FMI. A quelques conditions près tout de même: la réussite des prochaines élections, le redressement de la Libye et le retour des touristes. La Tunisie a bien passé le gros de son trou d'air du premier trimestre 2011. Mais son PIB va stagner cette année. "Nous nous y attendions" concède Mustapha Nabli. «Il y a eu des effets contradictoires de la Révolution. Certains ce sont avérés plus sévères pour l'activité économique, d'autre plus cléments". Deux mouvements ont clairement obéré la croissance: la désertion des touristes et les conflits sociaux dans le secteur minier, la filière du phosphate en particulier. "Pour le tourisme nous nous disions au début de l'année entre 40% et 60% de manque à gagner. Nous sommes tombés au milieu à 50%. Entre le tourisme et les mines, cela a pesé de beaucoup sur les recettes en devises". Au point de mettre en difficulté la balance des paiements ? " Il n'y a pas d'inquiétude de ce côté-là. Les réserves de change après être passées de 13 à 9 milliards de dinars ont été reconstituées à plus de 11 milliards de dinars. Nous disposons d'un droit de tirage spécial que nous allons actionner le moment venu". Le risque d'affaissement de la position externe du pays est maintenu loin. «Nous empruntons seulement auprès des organismes multilatéraux aux taux pratiqués. Il n'y a presque pas de flottants dans la dette tunisienne" et une spéculation des marchés sur les titres tunisiens comme dans le cas de la crise des dettes souveraines européennes, "est totalement exclue". Le gouverneur de la Banque centrale tunisienne se dit d'autant peu inquiet que le rebond de l'activité manufacturière est bien au rendez-vous: "nous avons une hausse des exportations sur les 8 premiers mois de l'année". Le taux de change du dinar tunisien est resté stable vis-à-vis des principales devises. Il s'est même apprécié sur le marché parallèle face au dinar libyen (ce qui peut se comprendre), mais aussi au dinar algérien. L'activité bancaire est également évoquée par Mustapha Nabli au chapitre des bonnes nouvelles: "Le crédit a rapidement repris son expansion et la crise de liquidités pour les entreprises a été surmontée très vite" à la fin du premier trimestre. En outre, "tous les signes d'une fébrilité de l'activité sont visibles dans les villes tunisiennes". La Libye et le Tourisme clés de l'année 2012 L'année prochaine devrait confirmer l'amorce de reprise du second semestre 2011. Plusieurs facteurs vont, selon Mustapha Nabli, y concourir. Le taux directeur de la Banque centrale est passé 4,5% à 3% cet été, mais les effets de cette politique de détente pour soutenir l'activité seront répercutés par les banques avec un décalage bimestriel. L'inflation devra être mieux contenue dans les mois à venir pour ne pas saper les facilités de financement de l'économie. La hausse des investissements publics dans les équipements aussi donnera la pleine puissance de ses effets en 2012: "Le déficit budgétaire sera inférieur au prévisionnel car toutes les dépenses programmées en 2011 n'ont pas pu être exécutées. Il y a eu une limitation par les capacités d'absorption. En 2012, nous devrions avoir un effet cumulé des restes à réaliser de cette année et des plans qui arrivent". L'activité minière est déjà en ordre de reprise et devrait contribuer fortement à la croissance. Les deux grands enjeux seront cependant le sort de la Libye et celui, qui lui est fortement rattaché, des visites touristiques. "Les choses vont dans le bon sens" estime Mustapha Nabli, qui se réjouit également de la perspective bienfaitrice que suggère la reconstruction de la Libye; "ce sera une vraie opportunité pour les entreprises tunisiennes". Rapatriement des revenus d'expatriés en Libye, reprise du tourisme, chantiers publics, activité minière... les contours d'un retour à la croissance se dessinent bien pour l'année prochaine... ce que le rapport du FMI édité cette semaine à Washington a bien intégré à ses prévisions en tablant sur 3,4% pour 2012. "Il reste une incertitude pour un terme un peu plus long, c'est l'investissement. Cela va dépendre du facteur politique". Les investisseurs nationaux et étrangers sont plutôt dans l'expectative. Les anticipations vont là aussi dans le bon sens "tout le monde se tient prêt". Le gouverneur de la Banque de Tunisie estime lui qu'au delà du tournant des élections d'octobre prochain, le processus de remise en ordre de marche de l'économie tunisienne ne peut que se poursuivre. Un processus électoral réussi hâterait la bonne marche.