«Le gouvernement saoudien est plus proche du peuple que les autres gouvernements de la région». Au lendemain d'une déclaration très remarquée mais sans surprise de l'ambassadeur américain à Ryad, James Smith, affirmant que l'Arabie Saoudite était «différente» des pays secoués par les révoltes dans la région, des troubles graves ont eu lieu dans l'est du pays. La tension était vive depuis dimanche dans la région de Qatif, à dominante chiite, à la suite de la mort non expliquée dans un barrage de police, d'un jeune homme, Nasser al-Mheichi, 19 ans, dans le secteur de Chouika. Blessé par balles, le jeune homme a succombé à ses blessures à l'hôpital. Les habitants accusent la police de lui avoir délibérément tiré dessus. Apparemment, les policiers ont la gâchette facile puisque, selon des habitants, un jeune homme avait déjà été blessé samedi par des tirs de membres des forces de sécurité dans la localité chiite de Awamiya. Lundi, un «Mouvement saoudien des Jeunes libres» a publié un communiqué annonçant le «début du soulèvement populaire contre le régime des al-Saoud dans l'ensemble du pays» et appelant à «une large participation lors des funérailles du jeune Nasser». Hier, un autre jeune Saoudien, Ali al-Felfel, a été tué d'une balle à la poitrine au cours d'une manifestation de protestation contre la mort de Nasser al-Mheichi. Plusieurs autres personnes ont été blessées par des tirs lors de la dispersion de cette manifestation de protestation. DES CONTESTATAIRES ACCUSES DE SERVIR L'IRAN La région de Qatif est régulièrement le théâtre de protestation de la part des chiites saoudiens qui réclament une égalité de traitement et des droits égaux avec les sunnites. En octobre dernier, des manifestations s'y sont déroulées après que la police eut arrêté deux sexagénaires pour contraindre leurs fils à se rendre aux autorités qui leur reprochaient d'avoir pris part à une manifestation au printemps. Cette arrestation en forme de chantage a outré les habitants qui ont manifesté dans la rue. 14 personnes ont été blessées lors de heurts entre les forces de l'ordre et les manifestants qualifiés des «fauteurs de troubles» à la solde d'un pays étranger, dans une allusion pavlovienne à l'Iran. Le ministère de l'Intérieur avait promis à cette occasion de «frapper les «mercenaires» d'une «main de fer». Il avait menacé les «parents des fauteurs de troubles» en les invitant «à prendre leurs responsabilités envers leurs enfants». A l'évidence, les services de sécurité saoudiens traduisent avec un grand zèle ces menaces adressées à ceux qui réclament des droits. La majorité des deux millions d'habitants de la région orientale de l'Arabie Saoudite sont chiites. Ils s'estiment lésés et marginalisés alors que leur région est particulièrement riche en pétrole. A cette occasion, un influent religieux chiite, cheikh Nimer al-Nimer, avait appelé les jeunes à s'abstenir de recourir à la violence «pour obtenir nos droits politiques et religieux», mais a accusé les autorités d'avoir «provoqué» les habitants en «tirant dans les rues pendant des heures». La première manifestation dans cette région a eu lieu à la mi-mars pour réclamer la libération d'un dignitaire religieux chiite. Les chiites, c'est de notoriété publique, sont traités en sujet de seconde zone en Arabie Saoudite. Les autorités saoudiennes et les religieux wahhabites mènent depuis des décennies des campagnes constantes contre le chiisme. La montée en puissance de l'Iran dans la région a accentué cette campagne véhémente à l'égard des chiites. Les citoyens saoudiens qui réclament des droits et des réformes sont systématiquement accusés d'être la «cinquième colonne» de l'Iran. Il en a été de même au Bahreïn, où les Saoudiens ont envoyé des troupes pour aider le gouvernement à mater les demandes de changement politique.