En convoquant jeudi le corps électoral pour le 10 mai prochain, le président de la République a eu une adresse de motivation pour tous les acteurs concernés par cette échéance. Les partis, les syndicats et les organisations de la société civile qu'il a interpellés pour mobiliser les électeurs. Les partis encore qu'il a invité à présenter des programmes viables et sérieux, à s'ouvrir à la contribution des femmes et des jeunes et enfin à faire des élections un moment d'émulation entre leurs programmes respectifs. Mais ce sont surtout les jeunes que Bouteflika a voulu motiver en insistant sur leur apport aux changements que le pays doit nécessairement opérer et dont le coup d'envoi sera le rendez-vous électoral du 10 mai. A ces jeunes, il a dit attendre d'eux «qu'ils mettent à profit ces élections pour se réaliser en tant qu'électeurs ou élus afin de confirmer leur participation à l'édification du présent et de l'avenir de leur pays». Comme l'on voudrait que l'exhortation du chef de l'Etat à l'endroit de la jeunesse ait l'effet de déclic en son sein. Il n'est plus possible en effet que cette jeunesse continue à tourner le dos à son pays. Ce n'est certes pas de sa faute, mais cette jeunesse est dans son écrasante majorité dépolitisée jusqu'à la moelle ; elle témoigne d'une allergie qui semble inguérissable à la politique, à l'engagement, voire à servir le pays. Aux jeunes de notre pays, il ne reste qu'un égoïsme forcené nourri par la détresse. Pour ne pas en avoir fait état, Bouteflika semble ignorer que c'est la génération dont il fait partie qui est cause que les jeunes d'aujourd'hui se sont détournés de la chose publique et ne se sentent pas concernés par le devenir national. La rupture, le fossé entre la jeunesse et le cadre dirigeant du pays sont tels que l'on doute que la seule interpellation à leur patriotisme faite jeudi par le président de la République va convaincre les jeunes citoyens à s'intéresser à la compétition électorale du 10 mai et les inciter à aller voter. Bouteflika a pris de la hauteur pour s'adresser à la jeunesse, sachant que les jeunes Algériens ne sont jamais insensibles quand il est fait appel à leur patriotisme. Mais entre ce qu'il leur a dit attendre d'eux et vouloir pour eux et le grenouillage, dont ils n'ignorent rien, auquel donne lieu dans leur environnement immédiat la compétition électorale qui démarre, il n'y a pas photo dans leur esprit. Rien n'a changé dans la cuisine électorale. Ne sont conviés à celle-ci que ceux qui font partie des cercles de fausses notabilités, ceux qui bénéficient du piston familial ou clanique et ceux qui ont les moyens d'arroser qui de droit. Le Président a raison de craindre l'abstention. Son taux élevé remettrait irrévocablement en cause les réformes politiques qu'il a initiées. Une situation qui ternirait sans conteste le bilan de ses années de pouvoir. Mais n'est-ce pas trop tard pour en appeler à cette jeunesse si longtemps ignorée et délaissée ?