Plus d'un an après la chute du régime de Zine el-Abidine Ben Ali, l'économie tunisienne traverse une période difficile. Alors que le président Moncef Marzouki est en tournée dans la région depuis le 8 février, les chefs d'entreprises voient d'un bon œil son activisme pour relancer l'Union du Maghreb arabe (UMA), susceptible selon eux de dynamiser l'économie de la région. « L'espoir pan-maghrébin renaît. Le chaudron de l'histoire bout. 'A cœur vaillant rien d'impossible'» Dans son édition du 10 février, le quotidien La Presse traduisait en ces termes les attentes que suscite en Tunisie le militantisme du président Moncef Marzouki en faveur de l'Union du Maghreb arabe (UMA), créée en 1989 mais qui reste prisonnière des différends entre ses cinq membres (Algérie, Libye, Maroc, Mauritanie, Tunisie). Sa visite dans la région, entamée au Maroc le 8 février et qui se poursuit jusqu'à ce mardi en Algérie, après un passage par la Mauritanie, «est une initiative très heureuse et très appréciée par la majorité des Tunisiens, assure Hamadi Ben Sedrine, vice-président de l'Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat (UTICA), la principale organisation patronale en Tunisie. Le potentiel est immense car les pays du Maghreb sont complémentaires». Il appelle au «développement des moyens de transport, notamment ferroviaires, de la Libye à la Mauritanie, pour améliorer la compétitivité des entreprises de la région en diminuant leurs coûts de transport». «Mettre en œuvre l'UMA, c'est créer une zone de libre-échange maghrébine en permettant la libre circulation des personnes, des marchandises et des capitaux, et la liberté d'investir», dit Maher Kallel, membre du comité de direction du groupe Poulina, qui rappelle que «beaucoup de textes en ce sens existent déjà mais ne sont pas appliqués». «Maghrébin convaincu», Bechir Boujdai est à la tête de deux entreprises qui «ont des clients et des partenaires en Algérie et en Libye». Il a par ailleurs participé à la création de deux institutions maghrébines - l'Union arabe des industries d'ingénieurs et l'Union maghrébine de l'industrie automobile dont il aimerait voir le potentiel «boosté par la réactivation de l'UMA». DES ECONOMIES QUI SE TOURNENT LE DOS Le 11 février, le site d'information Kapitalis regrettait que «les économies du Maghreb se tournent le dos et (que) les gouvernants (aient) des relations marquées par une méfiance mutuelle». «L'intégration régionale de l'Afrique du Nord apparaît pour de nombreux experts comme l'une des réponses aux difficultés que rencontre la région: chômage, pauvreté, mauvaise gouvernance, violence sociale, etc, poursuivait le média en ligne. Récemment, la directrice du Fonds monétaire international (FMI), Christine Lagarde, a appelé à un resserrement des relations maroco-algériennes comme voie de salut pour les deux pays en mettant en exergue leur complémentarité.» Le quotidien La Presse a aussi appelé à «un signal fort à l'endroit des peuples maghrébins fatigués de tant de désunion et de surplace sur les rivages du néant». Un vœu partagé par de nombreux chefs d'entreprises tunisiens qui appellent les Etats à dépasser leurs divergences, en particulier sur la question du Sahara occidental. «Le non-Maghreb, c'est deux points de croissance par an en moins pour chaque pays», croit savoir Hamadi Ben Sedrine, qui précise qu'en Tunisie, «cela correspond au coût de création de 40 000 emplois». L'UTICA SCEPTIQUE SUR LE COURT TERME L'Algérie suscite beaucoup d'espoirs parmi les chefs d'entreprises tunisiens. «La priorité absolue est aux deux pays frontaliers», dit Bechir Boujdai. «L'Algérie représente un marché très intéressant, immédiatement, pour la Tunisie», abonde Maher Kallel, qui regrette que pour y créer une entreprise, les investisseurs étrangers doivent «s'associer à un Algérien détenant au moins 51% du capital». La présence en Algérie, aux côtés de Moncef Marzouki, «d'une délégation d'hommes d'affaires de l'Utica et de la Confédération des entreprises citoyennes de Tunisie (Conect)» constitue selon lui un signal positif pour «remettre en marche la machine d'investissements en Algérie». Quant à la Libye, «l'enjeu de la reconstruction est immense, dit Maher Kallel. Il faut mettre en place rapidement une stratégie de co-développement». La priorité ne devrait-elle pas justement être donnée à l'investissement en Libye? «Relancer l'UMA n'empêche pas une attention particulière à la Libye, au contraire», estime-t-il. «Conscient du potentiel que représente la Libye, le président a consacré sa première visite à l'étranger à ce pays, dès janvier, rappelle Hamadi Ben Sedrine. Il était accompagné d'une importante délégation d'hommes d'affaires.» L'Utica se dit néanmoins «sceptique» sur les effets à court terme de cette démarche. «La machine politique met du temps à concrétiser les idées», souligne son vice-président. «Il y a loin de la coupe aux lèvres», reconnaît aussi le site Kapitalis. La Presse se veut plus optimiste, estimant que des mesures concrètes peuvent être prises dès le prochain sommet de l'UMA, qui devrait, selon Aziz Krichène, ministre conseiller auprès du président de la République, avoir lieu en avril ou mai, à Tunis.