A Toulouse, le présumé tueur de Toulouse, un jeune Français d'origine algérienne, Mohamed Merah, était encerclé en fin d'après-midi. Le dénouement, par reddition ou par intervention des forces de sécurité, était attendu. La dérive du jeune délinquant qui a effectué un séjour en Afghanistan, risque d'accentuer le climat de stigmatisation contre les musulmans en France. La campagne électorale reprend ses droits déjà. Sarkozy et Marine Le Pen pourraient en profiter. L'information était donnée en boucle depuis la nuit : le tueur au scooter qui sévissait dans la région de Toulouse où il a tué trois enfants et un enseignant dans une école juive et, auparavant, trois parachutistes maghrébins, a été identifié et encerclé à son domicile. Il s'agit de Mohamed Merah, un «Français d'origine algérienne» de 24 ans, avec un parcours de jeune délinquant à la dérive qui disjoncte dans une violence à motivation vaguement djihadiste. Les forces spéciales du RAID français semblent avoir raté l'effet de surprise puisque le suspect présumé dans ces tueries, a réagi rapidement quand les policiers sont venus l'interpeller, en tirant à travers la porte. Deux policiers ont été blessés dans l'opération surprise qui a «foirée». Le jeune Merah qui a tenté, en vain, d'intégrer l'armée française, était classé comme un «petit délinquant». Il avait été arrêté en 2005 et a fait deux séjours en prison en 2007 et 2009. Le 24 février dernier il avait été jugé pour conduite sans permis. Son séjour au Pakistan et en Afghanistan, où il aurait été arrêté en 2010, pour un délit de droit commun avant de s'enfuir, lui a valu d'être mis sous surveillance des services français. Selon le ministre français de l'Intérieur, le jeune Merah se revendique d'Al Qaïda et explique avoir voulu venger les enfants palestiniens. Il a des «attaches avec des personnes qui se réclament du salafisme et du jihadisme» et a effectué «des séjours en Afghanistan et au Pakistan par le passé», a déclaré à Toulouse, le ministre de l'Intérieur, Claude Guéant. Ces zones sont un fief d'Al-Qaïda. «Cette personne» dit «être un moudjahid», «appartenir à Al-Qaïda et dit avoir voulu venger les enfants palestiniens et s'en prendre à l'armée française», a ajouté le ministre. Après l'échec de l'effet surprise, les habitants de l'immeuble ont été évacués, prélude à une intervention des forces spéciales. Les responsables français disaient cependant vouloir l'interpeller vivant pour «le bon fonctionnement» de la justice. Mohamed Merah était sous surveillance de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) «mais rien n'avait indiqué jusqu'alors qu'il pouvait passer à l'action radicale», a dit M. Guéant. TRAHI PAR L'ADRESSE IP C'est en analysant les connexions à l'annonce faite par la première victime, un militaire qui mettait en vente sa moto, que l'adresse IP de l'ordinateur de sa mère est apparue. Le second élément qui a permis de remonter vers lui est le témoignage d'un concessionnaire Yamaha qui a indiqué qu'un homme s'était présenté pour demander comment désactiver la puce que le constructeur y installe comme arme antivol. Hier, en début d'après-midi, le dénouement était attendu soit par une reddition, soit par une intervention des forces de sécurité française. En dépit des discours appelant à ne pas faire des amalgames, les Franco-musulmans s'attendent clairement à être montrés du doigt après l'identification du tueur. Le fait que les premières victimes enterrées hier après une cérémonie en présence du président français soient des personnes d'origine maghrébine, ne pèse pas vraiment lourd. «Je sens que les politiques vont souffler sur les braises, après le halal, certains vont se servir de ces événements dramatiques pour pointer du doigt les musulmans». Lassaad Fkiri, vendeur de la boucherie «4 Saisons», cité par une agence de presse, résume parfaitement le sentiment général. Après avoir été reçu avec des représentants de la communauté juive à l'Elysée par Nicolas Sarkozy, le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, a déclaré que la communauté musulmane, «dans sa très grande majorité, ne peut pas se reconnaître dans cette forme de pratique, qui n'est que l'expression de la haine, de la violence, du terrorisme, qui n'ont rien à voir avec les religions que nous représentons. C'est un élément d'abasourdissement, de stupéfaction, d'étonnement et aussi d'incompréhension, de révolte, à savoir qu'il y ait encore, en 2012, des éléments qui s'érigent en exécuteurs infâmes et criminels». SARKOZY RELANCE Le président du Conseil français du culte musulman (CFCM), Mohammed Moussaoui, a assuré que «nous n'accepterons pas que notre religion soit associée à la violence de cette manière». Selon lui, l'auteur présumé des fusillades «ne peut en aucun cas, justifier ses actes par la religion musulmane». «Le grand rabbin de France, Gilles Bernheim, a précisé qu'il redoutait aussi «toujours une récupération politique, une manipulation politicienne». De fait, cette terrible affaire qui survient en pleine campagne électorale pour l'élection présidentielle, sert objectivement les candidats de la droite, le président français Nicholas Sarkozy et sa concurrente d'extrême-droite Marine Le Pen qui ont joué, à des degrés divers, sur le registre de l'islamophobie avec une surenchère étonnante sur l'abattage halal. Le dénouement de l'affaire, par une reddition ou par une intervention armée, peut être déjà comptabilisé au profit du président sortant qui joue sur le registre de l'unité nationale et de l'homme qui incarne «l'Etat protecteur». Il a reçu, hier matin, les représentants des communautés juive et musulmane à l'Elysée et appelé au calme et à éviter les «amalgames». Pour le Front National qui a outrageusement fait campagne sur le registre de l'islamophobie, cette mise en cause d'un «Français d'origine algérienne» est pain béni. La campagne électorale va reprendre ses droits. Les Franco-musulmans risquent de sentir l'effet Mohamed Merah.