Il n'est pas besoin de savoir lire dans le-marc de café pour prédire que l'Assemblée nationale qui sortira des urnes le 10 mai va être à prédominance doctrinale islamo-conservatrice. Ce qui ne constituera nullement une révolution susceptible d'ébranler ou de remettre en cause le pouvoir en place. Ce profil annoncé de la nouvelle majorité parlementaire ne sera en rien différent de ce point de vue de celui de la sortante qu'avaient constituée les élus du trio partisan de l'Alliance présidentielle formée par le FLN, le RND et le MSP. Elle sera probablement plus marquée d'islamisme au cas où les tenants de ce courant politique feront la percée que leur attribuent les prévisions. Ce qui n'est pas pour inquiéter le pouvoir, qui a anticipé cette perspective en interdisant de participation électorale la seule force politique de ce courant dont le projet de société remet fondamentalement en cause le caractère républicain du système en place. Il sagit bien entendu de l'ex-FIS dissous. Les partis islamistes anciens ou nouveaux qui participent à la compétition électorale ne sont en rien dangereux pour le pouvoir en s'inscrivant dans une vision de pouvoir islamo-conservatrice. Au contraire, ils ne feront que légitimer l'orientation de cette nature qui est celle de ce pouvoir avec Bouteflika à ses commandes. Au-delà de la trivialité revêtue par la guerre intestine dont le FLN a été le théâtre, il faut en retenir qu'elle a abouti à imposer cette orientation à l'ex-parti unique, relais politique prépondérant du pouvoir. Ce qui en dit long sur la nature de l'alliance qui va avoir la préférence de ce parti après le 10 mai. Le renforcement du caractère islamo-conservateur de l'institution parlementaire arrange en toute évidence les hautes sphères du pouvoir, qui s'en prévaudront comme preuve de la nature démocratique des réformes politiques engagées. Elles s'en arrangent d'autant que le courant anti-islamo-conservateur n'a guère fait la démonstration qu'il est en mesure de faire barrage à la « vague verte » prédite. Les partis qui le constituent pèchent par leurs ancrages populaires insignifiants, handicap aggravé par leur incapacité à former un front uni face à cette menace. Ce pourquoi, répétons-le, l'aile islamo-conservatrice du FLN, rangée derrière Abdelaziz Belkhadem, a trouvé appui en ces sphères dans sa lutte pour le contrôle du parti. Il résultera de sa victoire que non seulement l'ex-parti unique ne va pas dépareiller la nature islamo-conservatrice de la majorité politique qui va émaner des urnes, mais qu'il sera en situation d'en être la locomotive téléguidée par le pouvoir. Dans son opération de recentrage du FLN sur un credo islamo-conservateur plus nettement affiché, Belkhadem n'a nullement cherché à rompre les amarres avec le pouvoir réel. Il a été au contraire l'exécutant convaincu du dessein de celui-ci visant à faire du FLN la pièce maîtresse de sa stratégie d'endiguement de la « vague verte ». Rôle dont le RND ne pouvait être investi car ayant affiché, à sa création et depuis, une aversion non démentie pour l'islamiste politique. Même s'il a montré qu'autant que le FLN, il est capable de contorsions dans sa posture à l'égard de ce courant, la réputation lui colle d'être son adversaire irréductible et donc non susceptible d'appartenir à une alliance où les islamistes vont être plus en force que celle à laquelle il a appartenu avec le FLN au côté du MSP.