Le duel à distance Ouyahia-Belkhadem ne date pas d'aujourd'hui. Quelles institutions et quel projet de société veut-on? C'est du moins la principale question que se poserait tout Algérien, dans une conjoncture politique caractérisée par un manque de lisibilité. Depuis l'ouverture au multipartisme, l'«apprentissage» a fait que plusieurs concepts ont fait irruption dans le lexique, aussi bien des politiques que des médias. Islamo-conservateurs, laïco-assimilationnistes, islamo-nationalistes, démocrates-républicains, éradicateurs, réconciliateurs...de quoi dérouter les éminents professeurs de sciences politiques. Pourtant, tout ce lexique émane bel et bien d'une classe politique, qui, apparemment, ne sait plus dans quel registre s'inscrire. Cependant, comme dans toutes les sociétés, le débat oppose des projets de société. Ces derniers dans la plupart des cas, puisent leur idéologie du discours religieux et/ou populiste. Les dernières déclarations de MM.Abdelaziz Belkhadem et Ahmed Ouyahia autour de la révision de la Constitution, de la réconciliation nationale et de la lutte antiterroriste, font ressortir une ligne de démarcation entre les deux hommes qui, il est utile de le rappeler, adoptent des visions diamétralement opposées, même s'ils s'en tiennent, par principe, au soutien du programme du chef de l'Etat et de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. M.Ouyahia, qui lors de son passage au club de la Radio Chaîne III, voulant justifier les divergences entre les partis de l'Alliance concernant certains dossiers d'actualité, a donné l'exemple de l'UMP, qui, d'après lui, est un regroupement de plusieurs tendances gaullistes. Cependant, ce que M.Ouyahia ne doit pas ignorer, c'est que les formations composant l'UMP sont issues d'une même mouvance. Ce qui n'est pas le cas pour l'Alliance présidentielle, composante hybride de trois formations politiques véhiculant des visions idéologiques nettement contradictoires les unes des autres, mais tenues par un engagement politique envers le programme du chef de l'Etat. Ce qu'il y a lieu, toutefois, de retenir dans les déclarations de M.Ouyahia, c'est son appel du pied aux démocrates. Celui de s'organiser et de ne pas se manifester uniquement lors d'échéances électorales. Car, estime le secrétaire général du RND, la vocation d'une formation politique est, avant tout, d'être une force de proposition, à travers des actions quasi quotidiennes. Un message on ne peut plus clair, qui sonne comme une mise en garde contre l'effet dévastateur d'une démission collective des partis démocrates de la scène politique. Une longue absence, qui, d'ailleurs, a ouvert la voie à l'émergence de tendances, qui, il y a quelques années, ne faisaient pas recette au sein de la population. Par ce message, Ouyahia ne vise-t-il pas à faire de son parti le porte-flambeau du pôle démocratique, d'autant plus que nous sommes à la veille d'élections décisives? Il convient de rappeler que l'ex-chef de l'Exécutif a été le seul membre de l'Alliance présidentielle à avoir refusé de recevoir le dirigeant de l'ex-FIS Rabah Kebir. Une attitude qui ne trompe pas quant à la ligne de conduite de M.Ouyahia, dont la présence au sein de l'Alliance présidentielle est plus dictée par «l'intérêt supérieur et la stabilité du pays», que par une convergence de vues avec ses partenaires. Ce qui est sûr, c'est que le duel à distance Ouyahia-Belkhadem ne date pas d'aujourd'hui. Il remonte aux débuts de la tragédie nationale, quand l'actuel chef du gouvernement était l'un des plus farouches opposants à la politique du tout-sécuritaire. Pour sa part, pris en sandwich entre d'une part, un MSP accroché à son projet «historique» et de l'autre, un FLN voulant peser de tout son poids sur la sphère décisionnelle, le RND n'a d'autre choix que de rappeler, en des termes d'une extrême subtilité, que le pays n'est pas encore sorti du danger. Au point que le chef de l'Etat doit trancher sur l'une des trois moutures de projet de révision constitutionnelle.