Le président Sarkozy va quitter ses fonctions sans avoir scellé un grand accord industriel avec l'Algérie. Le constructeur Renault annoncera l'implantation d'un site de production en Algérie lorsque seront levés les deux derniers obstacles qui entravent l'accord. Une responsabilité du nouveau gouvernement issu des élections législatives du 10 mai. Renault est la première à profiter de l'expansion des importations de voitures en Algérie, encore + 17% au 1er trimestre 2012. En réalité, deux moutures d'accord sont, depuis plusieurs semaines, sur la table entre l'Algérie et Renault. Celle soutenue par le département de Mohamed Benmeradi prévoit une production d'entrée à 150 000 véhicules par an, basée à Bellara à 340 km à l'est d'Alger et dans laquelle le distributeur Renault Algérie est intégré à la nouvelle entité. L'autre copie, celle de Renault, exclut d'inclure Renault Algérie dans la mise, préfère Rouiba à Bellara pour le site d'implantation et ne s'engage pas sur le volume de 150 000 véhicules par an dès le début. L'alternance politique à la tête de la France pourrait rendre Alger plus flexible. Ou pas. Car le dossier n'est pas certain d'être encore traité par Mohamed Benmeradi, le ministre de l'Industrie actuel en attente lui aussi d'une redistribution des portefeuilles ministériels après les élections législatives du 10 mai. La source interne de Renault qui a annoncé un accord possible dès les premiers jours de mai a sous-estimé l'inertie de la conjoncture politique. Sur un dossier, en plus, où les positions paraissent encore bien éloignées. LES EXPATRIES NE RESTERAIENT PAS A BELLARA Le point de désaccord le plus ancien entre le gouvernement algérien et le constructeur français n'était toujours pas levé, début mai, entre les deux parties. Alger veut que le réseau de distribution de Renault Algérie soit «apporté» dans l'investissement par la partie française. Renault refuse. «Il s'agit de réduire les intermédiaires pour nous. L'usine aura, avec la concession Renault Algérie, son propre réseau de distribution», explique une source algérienne proche du ministère de l'Industrie qui admet dans le même temps que cette condition ne devrait pas devenir rédhibitoire, car il existe d'autres moyens d'éviter un emballement des marges en faveur du distributeur et au détriment de l'usine. Il est vrai également que l'intégration de Renault-Dacia Algérie dans le tour de table de l'investissement global signifie sa nationalisation, puisque la production automobile se fera sous le régime des 51% pour la partie algérienne et 49% pour la partie étrangère. Difficile à faire avaler pour un réseau leader du marché avec 75 000 véhicules vendus en 2011 dont les deux tiers sous la marque Renault. Le ministre algérien qui prendra la main sur ce dossier devra motiver son renoncement à cette clause de l'intégration de Renault Algérie dans l'accord. En obtenant en contrepartie l'implantation du site de production à Bellara ? Rien n'est moins sûr. La délégation de Renault qui s'est rendue, fin janvier dernier, sur la zone de Bellara a certes bien constaté les atouts du site. Il est pourvu de toutes les utilités, se situe à 30 km du plus grand port d'Algérie, DjenDjen, à proximité d'une voie ferrée. Avec l'apport de l'université de Jijel et des centres de formation de la région, l'usine automobile à Bellara peut être lancée avec 200 travailleurs pour passer à 1500 en cinq ans. Renault ne voit pas pourtant les choses ainsi. Le site de Rouiba demeure plus concurrentiel à ses yeux pour trois raisons : le gisement plus grand de la sous-traitance environnante, le mode de vie plus compatible pour les expatriés et leurs familles qui vivront à Alger et la proximité des centres de décision administratifs dans la capitale. Là aussi, il est très peu probable que Renault renonce à son choix du site de Rouiba, même s'il comporte l'inconvénient majeur de plafonner la production à 100 000 véhicules par an dans sa configuration actuelle. Pour atteindre le plateau des 150 000 véhicules an recherché, il faudra envisager des extensions. RENAULT AUSSI NE PEUT PAS RESTER INFLEXIBLE Renault n'a lâché sur rien depuis plusieurs mois. Mais aucun accord n'affleure sur ses propres conditions. Le constructeur français sait que le gouvernement algérien a trop engagé sa crédibilité sur ce projet pour vouloir le torpiller en s'arcboutant sur ces conditions. Dans le même temps, Renault ne peut pas rester inflexible alors que sa position de leader d'un marché en très forte croissance pourrait être soufflée dans le cas d'un échec définitif de la négociation. Carlos Ghosn, le PDG de l'Alliance Renault-Nissan, l'a bien laissé entendre l'automne dernier en affirmant qu'il ne laisserait à aucun concurrent la priorité d'investir dans la production en Algérie. Les 450 000 nouvelles immatriculations pourraient déjà être atteintes dès 2012 rendant tout à fait bancable un investissement immédiat pour 150 000 véhicules par an. A la différence de l'investissement 100% Renault de Tanger au Maroc, celui en Algérie, en joint venture, devra être tiré par les commandes domestiques plus que par les exportations. Il est basé sur les véhicules low-coast et de milieu de gamme.