L'étrange lucarne, la boite à merveilles, le sandouq laadjab, n'arrête pas de muer, de muter et de se métamorphoser. Le temps de l'antenne râteau, et la corvée de faire l'effort qui paraissait parfois surhumain de se lever pour aller changer de chaînes, semblent à des années-lumière. Le numérique, les écrans plasma, les bouquets, les antennes paraboliques, les clés USB, universal- serial bus, ou flash disk, instrument de stockage de données amovible et les télécommandes, qui depuis, nous épargnent tout effort, pour passer d'un univers télévisuel à un autre sans bouger, ont tout remis en cause. Et il fallait que l'on s'y adapte bon gré malgré. Cette révolution de l'audiovisuelle a détruit beaucoup de cloisonnements, et a fait sauter beaucoup de hiérarchies, voire de diktats, dans l'accès à l'information. Elle a apporté au moins, une liberté individuelle du choix de son programme télé en toute indépendance. Chez nous en Algérie, et comme il vaut mieux tard que jamais, la dernière mouture de la loi organique relative à l'information autorise l'exercice de l'activité audiovisuelle par les institutions publiques, par les entreprises et organismes du secteur public et enfin par les entreprises ou sociétés de droit algérien. Au-delà du contour imprécis de la formulation de la dernière sentence, il s'agit de l'autorisation administrative de créer des télévisions privées. Nous y sommes et c'est bien, mais. Cette autorisation vaudrait-elle quitus, consentirait-elle licence et concèderait-elle un affranchissement pour des excès, des jusqu'au-boutisme, des débordements, de la démesure et autres violations ? Ces questions se sont imposées dès que des essais de chaînes privées avaient arrosé l'Algérie. Toutefois, notre propos ici, ne contient ni pulsion de censure, ni volonté moralisatrice, encore une suggestion de retour au règne de la pensée unique. Il s'agira d'éthique et de déontologie au sein d'un métier, souvent soumis à des pressions, à des conflits d'intérêts, à des manipulations, et à des instrumentalisations par des individus ou par des groupes de pression. Comme il peut s'agir aussi au sein de la profession, de propensions et d'inclinations, non maîtrisées de rechercher le scoop, d'être le premier à donner l'information. Sinon de penchants stimulant la recherche du sensationnel et du sensible, sans parfois mesurer assez à l'avance, les conséquences, qui peuvent être contre-productives, malheureuses, et même carrément désastreuses. La loi relative à l'information, précise dès le départ, c'est-à-dire, à l'article 2,que l'activité audiovisuelle est libre, mais s'exerce dans le respect de certains domaines sériés en douze points. Cela va du respect de la constitution, jusqu'au droit du citoyen à être informé d'une manière complète et objective, en passant par le respect des exigences de l'ordre public. Quelles sont donc, ces nécessités ? Il s'agit de l'agencement et d'une combinaison harmonieuse, souvent encadrés par la loi, mais aussi, quelquefois fixés par tout ce qui fait le culturel d'un groupe social. Et en particulier, l'ordonnancement de la paix publique, de la sécurité, de la sûreté, de la tranquillité et de la salubrité, pour que les espaces de vie en commun, soient des lieux de compromis, et non des zones de conflits. Ce qui exclut de toutes formes de violence, d'animosité et d'agressivité, qu'elles soient verbales ou bien physiques. Et là s'impose, pour ne pas être insensible aux autres et exclusif, une réponse à la question de présentation. Si pour notre chaîne publique, par d'aucuns et depuis fort longtemps surnommée l'orpheline, el-yatima, et aussi depuis le lancement de ses quatre chaînes soeurs, de l'avis de la majorité des téléspectateurs, la prouesse, s'était limitée à ceci. On a procédé au changement les musiciens, mais la partition est demeurée la même, transcrite sur le même papier à musique, d'antan. Vieilli et jauni datant de l'ère du parti unique et de l'unicité de pensée. Donc cette désuétude si tant est qu'elle le soit, invoque de découvrir la nouveauté. Et cette dernière a depuis quelques mois, débarqué dans les foyers algériens, sans crier gare, s'est invitée, et s'est installée à travers les chaines, En-Nahar, d'Ech-Chourouk, El-djazaïria, algéria news et bientôt le Hoggar. Et bien qu'elles ne soient pas de droit algérien, puisqu'elles émettent en offshore, c'est-à-dire, en extraterritorialité du droit algérien. Leur vocation, leurs lignes éditoriales, les contenus de leurs programmes d'une part. Et de l'autre, le professionnalisme, les attitudes, les savoir, les savoir-faire et les savoir être de leurs animateurs, nous donnent déjà un avant goût de ce qui meublera l'espace télévisuel algérien, dès obtention des autorisations obligatoires. Les seuls programmes dont parle la rue algérienne, sont ceux dits, talk show, télé entrevue ou débat télévisé. En fait, en l'espèce, il s'agit de causette, de parlote, de palabre, de bavardage, dignes des causeries du zinc du café du commerce et des brèves de comptoir. La finesse, la subtilité et la sagesse en moins. Il y a même beaucoup de balourdises, de maladresses, de gaucheries et d'inélégances, dans ces échanges entre des personnes qui parlent haut et fort. Les animateurs de ces pseudo débats, pris dans l'ambiance du ragot, du commérage et aussi des médisances, sortent de leur rôle de modérateur, pour, soit en rajouter, sinon pour influencer des personnes qui faute de compétences, ne mesurant pas l'ampleur des dégâts qu'elles peuvent occasionner, en méconnaissance des règles élémentaires de déontologie, s'étalent encore et encore évoquant des insinuations, citant des noms de personnes, ceci, dans une totale ignorance, du droit de l'image et du droit à l'image. Lors de l'un de ces débats, une personne forte en voix, après avoir affirmer, sans gène aucune, être prête à donner sa voix lors d'élections, même au plus grand criminel d'Algérie, pour peu que ce meurtrier lui pommette de lui attribuer un logement une fois élu. Ensuite, elle interpelle un wali de la république, par son nom et son prénom, en disant que ce dernier, ne travaillait pas, et se contentait de remplacer un arbre par un palmier, et de changer sur les trottoirs du carrelage par du marbre. Et l'animateur de confirmer, que cela ne se limite pas à la wilaya où ce wali exerce, et de certifier droit dans ses assertions, que c'est le cas de toutes les wilayas du pays. Et enfin de remercier son invité en lui assurant qu'il devait être fier de son courage. Pour vérification, ce débat est consultable sur la toile. A l'inverse de cet amateurisme, et de cette fumisterie, de débutants au sens propre et figuré, une télévision tunisienne généraliste, dont le slogan est : la télé du grand Maghreb, est entrain de damer le point à tout ce que compte l'Algérie d'intervenants dans le monde des médias. Cette chaîne avait lancé du 16 au 22 avril 2012, sous le message suivant : « l'Algérie au cœur du grand Maghreb» une semaine consacrée à l'Algérie. Selon son directeur général il s'agit de programmes dédiés et consacrés, à l'histoire, à la créativité et aux talents algériens à l'occasion de célébration du cinquantenaire de l'indépendance de l'Algérie. Le propos en citant cet exemple, n'est pas la comparaison, car on ne peut comparer que les comparables, sinon ce serait de la partialité dans le fait mesurer, mais aussi abusif dans la démarche d'évaluer, d'où un risque à arbitraire subjectif. Néanmoins les résultats étaient au rendez-vous. A ne prendre qu'un échantillon, pour rester, dans les talk show, les plateaux réalisés par la chaîne tunisienne, avec des animateurs algériens et des invités également algériens, étaient d'un niveau, depuis fort longtemps disparu de nos écrans. Les hôtes de la chaîne du grand Maghreb qui venaient de divers horizons, avaient fourni des prestations à la hauteur de l'évènement, autrement dit, célébrer d'une façon méritoire, le 50ème anniversaire de l'indépendance. Y avaient été conviés des moudjahidate, des intellectuels spécialistes de l'histoire, des cinéastes, des écrivains, des musiciens, et beaucoup d'artistes. Des sportifs, des femmes notamment, qui avaient au temps des années noires de 90, fait s'élever et flotter les couleurs nationales, et fait retentir l'hymne de la patrie, lors des meetings sportifs internationaux de haut niveau. L'Algérie était vraiment à l'honneur grâce à l'intelligence, aux talents, au professionnalisme et la diversité, d'algériens, qui ne demandaient rien d'autre, que l'on s'intéresse seulement à ce qu'ils font, à ce qu'ils créent et à ce qu'ils inventent. Les richesses immatérielles en nombre incalculable, multiples et multiformes, ne revendiquaient que d'être exploitées au profit de tous et sans d'énormes investissements financiers. Bien sûr tous les programmes et toutes les émissions télé, sont critiquables. Qu'il s'agisse, à titre illustratif, du moment de programmation, comme l'avait fait cette chaîne tunisienne, durant la campagne électorale pour les législatives, soit du choix de diffuser d'anciens films, au lieu par exemple de financer de nouvelles productions pour l'occasion, et également la date du 5 juillet est relativement loin de cette période choisie par la chaîne du grand maghreb. Mais ce qui fait la différence, c'est la nocivité dans la manière de procéder des uns, et l'utilité, dans celle des autres. Ce sont les dégâts provoqués par les uns et les bienfaits apportés par les autres. Ces antagonismes sont au final, le résultat du professionnalisme d'un coté et du dilettantisme de l'autre. L'improvisation, à moins qu'elle ne soit le fruit d'un don, ne peut l'emporter, quand on se présente au public, face à la préparation, devant la maturation et devant le mûrissage adéquat et pertinent, d'un projet audiovisuel, fut-il longtemps comprimé, bridé et opprimé. Pierre Bourdieu lors du colloque fondateur du centre de recherche de l'école supérieure de journalisme à Lille, en France, en juin 1996, disait : «un groupe dont les responsabilités sont aussi importantes que celui des journalistes, se pose explicitement le problème de l'éthique et s'efforce d'élaborer sa propre déontologie». Alors notre télévision publique et les chaînes privées à venir, seront-elles en challenge ou bien s'opposeront-elles ? Tout de go ça ne sera ni l'un l'autre. Les deux formules jusque là offertes au publique, ne sont ni performantes, ni compétitives au point de se concurrencer, au pire elles se neutraliseront, dans un challenge du genre, pousse-toi que je m'y mette, sinon à la sauce, m'as-tu vu, mois aussi j'ai ma télé. Et ce sera pour nous tous contre-productif. Cependant, il est dans tous les cas de figure, avantageux, également pour tous, que le champ audiovisuel soit ouvert et concurrentiel. La logique obligerait chaque intervenant dans cet espace à la performance, et le débat contradictoire et interactif, avec ceux qui recevront ces chaînes, publiques ou privées, les contraindrait, au professionnalisme, aux formations, aux apprentissages, ceci pour les aptitudes et la technicité. Mais il leur imposera aussi, l'observance de règles d'éthique et de déontologie, afin que tout ce qui concerne la dignité de la personne humaine, soit préservé, considéré et pris en compte. La nouvelle loi organique, c'est-à-dire, prévue par la constitution, n° 12/05 du 12 janvier 2012, relative à l'information, consacrent pas moins de 27 articles, sur les 133 qu'elle contient, à la profession de journaliste, à l'éthique et à la déontologie. Il est entre autre interdit, par cette loi aux journalistes, la violation de la vie privée, de l'honneur et de la réputation des personnes. Comme il leur est pareillement interdit de violer directement ou indirectement la vie privée des personnalités publiques. Pour cela, ce qui constitue d'ailleurs une approche paritaire et égalitaire, la loi prévoit en ses articles 94 et suivants, la création d'un conseil supérieur de l'éthique et de la déontologie du journalisme. Cette institution dont les membres seront élus par les journalistes professionnels, sera saisie en cas de violation de l'éthique et de la déontologie du métier. Elle aura à connaître des fautes commises et se prononcera sur les sanctions à infliger. Son action et ses travaux se dérouleront, dans le cadre de la charte d'honneur de la profession de journalisme, élaborée par les journalistes eux-mêmes. C'est une nette avancée par rapport aux précédents usages, où tout été judiciarisé, d'ailleurs pour le malheur de tous. Désormais, les journalistes en plus de leurs contradicteurs de l'opinion publique et de l'ensemble de tout ceux reçoivent les médias, auront leurs pairs, comme vis-à-vis interrogateurs, et seulement eux. Donc accordons grâce aux nouvelles chaînes de télévisions qui se lancent, et mettant leurs ratées sur l'ardeur, l'excitation et l'exultation de la période d'essai. Attendons voir, car pareille révolution, dont l'aboutissement tant attendu est là, ne peut que nous être bénéfique. En Algérie la profession de journaliste a de tout temps eu ses particularités. Dans la quasi-totalité des chaînes satellitaires arabes, des journalistes formés en Algérie, exercent leur talent avec brio. Cette communauté avait beaucoup donné, pour que les Algériens soient informés, et que la liberté d'expression se pratique, s'exerce et advienne que pourra. La corporation avait cher payé, puisque au moins, 100 journalistes algériens, hommes et femmes, avaient été assassinés, parce qu'ils étaient seulement journalistes. Ceux qui viendront après eux, y compris ceux qui travailleront au sein des nouvelles télés sauront, sûrement en être dignes. Alors à celles et ceux qui liront cette chronique, je rappelle, que ce jour, le 03 mai, c'est la journée internationale de la liberté de la presse. Elle a été instaurée par l'assemblée générale des Nations Unies en décembre 1993. C'est également le 3 mai 2000 qu'avait été inaugurée une stèle à Alger, rue Hassiba Benbouali, sur la place baptisée depuis, «Place de la liberté de presse», honorant la mémoire des journalistes martyrs de la liberté. Aussi, je m'adresse à ceux qui peuvent, des lectrices et des lecteurs, de faire un geste. Déposez-y une rose. Merci.