Condamnés pour corruption, trafic d'influence et blanchiment d'argent, les deux équipementiers chinois des télécoms, Huawei et ZTE, ont été bannis des marchés publics en Algérie pour une période de 2 ans. Cette décision de la justice algérienne dans une affaire impliquant des cadres d'Algérie Télécom, ajoutée à d'autres affaires de dumping en Europe, met les deux sociétés sous les feux de la rampe en Afrique aussi où elles tentent d'afficher leur engagement à faire un "clean business". Le 6 juin dernier, la justice algérienne a prononcé de lourdes peines contre des cadres d'Algérie Télécom et des représentants de deux compagnies chinoises, Huawei et ZTE, qui comptent parmi les plus importants fournisseurs d'équipements télécoms. Dans cette affaire de «corruption, trafic d'influence et blanchiment d'argent», la justice a condamné, à 18 ans de prison ferme et à 5 millions DA d'amende, un ex-cadre de l'opérateur historique et un homme d'affaires algéro-luxembourgeois. Jugés par défaut, trois cadres de ZTE et un autre de Huawei ont écopé de 10 ans de prison ferme. Pour «corruption et trafic d'influence», les deux sociétés chinoises ont été également condamnées à verser, chacune, une amende de 3 millions DA, et ont été exclues pendant deux ans des marchés publics algériens. L'affaire remonte à la période 2003 et 2006 avec des soupçons de transactions douteuses et blanchiment d'argent au préjudice d'Algérie Télécom. Une commission rogatoire transmise par la justice algérienne confirme les doutes sur le transfert d'importantes sommes d'argent (10 millions de dollars) par Huawei et ZTE, versées, à titre de commissions pour l'obtention de marchés publics, dans deux comptes de sociétés offshore créées par l'homme d'affaires, complice de l'ex-cadre d'AT, ancien conseiller du PDG de l'opérateur historique. Depuis le 6 juin, les deux compagnies chinoises n'ont pas encore réagi officiellement au verdict qui met en cause leur probité, ni à la sanction de ne pouvoir postuler pour des marchés publics en Algérie, et encore moins au mandat international émis contre leurs 3 cadres. Pourtant, l'impact de la décision de justice les met dans un grand embarras en Afrique. Des affaires similaires en Chine, en Afrique et en Europe Selon le journal électronique «Light Reading», Huawei affirme prendre cette affaire «très au sérieux», ajoutant qu'il allait faire appel à la décision du tribunal. Contacté par le même journal en ligne, ZTE «n'a pas répondu à une demande de commentaires» à propos de cette affaire. Huawei Technologies n'en est pas à sa première citation dans une affaire de corruption. Selon le site chinois «cn-c114.net», le géant des télécoms est aussi accusé d'avoir versé des pots-de-vin à un responsable de China Mobile et son fils. Citant des documents judiciaires, le journal affirme que Huawei est accusée d'avoir payé plus de 1,3 million de yuans en tant que «salaire» pour un poste virtuel qu'«occupait» le fils de son papa au sein la société fin de 2003. Un responsable régional de Huawei n'a pas eu de mal à expliquer aux enquêteurs que la société devait «s'occuper du plus jeune fils» du responsable de China Mobile qui devait acheter pour plus de 100 millions de yuans à Huawei. En 2010, Huawei Technologies avait été impliquée dans une controverse sur un projet d'installation de câble de fibre optique en Ouganda, de 106 millions de dollars, financé par un prêt de la EXIM Bank de Chine. Le projet avait été temporairement interrompu en raison d'allégations de surcoûts et d'utilisation d'un mauvais câblage. Huawei a été également interdite de participer aux appels d'offres du secteur des télécommunications en Australie. ZTE n'est pas en reste. En 2008, le gouvernement philippin avait annulé un projet d'infrastructures de télécommunications suite à un scandale de corruption impliquant la société ZTE. En 2011, la compagnie a dû faire face à des accusations similaires dans un contrat de 470 millions de dollars avec Nation Communication Security System du Nigeria dans les zones à fortes activités terroristes. En Europe, qui constitue le premier marché pour Huawei, les deux sociétés chinoises sont accusées de pratiques anti-concurrentielles en recevant des aides gouvernementales. «Clean business» Ces affaires ont soulevé des questions sur l'intégrité des deux sociétés dans les pays où elles ont obtenu des marchés. Dans le sillage du scandale de corruption impliquant Huawei et ZTE en Algérie, des fonctionnaires de Huawei Ghana ont affirmé leur engagement à faire des «affaires propres». «Je peux vous assurer que Huawei a et fera toujours en sorte de rester en conformité avec les lois et les règlements du Ghana», a déclaré Geoffrey Li, le directeur des relations publiques de Huawei Ghana. La société a signé un contrat de 150 millions de dollars pour la fourniture et l'installation d'équipements de large bande au Ghana, et a obtenu un autre marché de la même valeur pour fournir l'infrastructure TIC et des services de soutien pour l'industrie pétrolière du pays. Pour Geoffrey Li, si la compagnie est devenue un des leaders mondiaux des équipements de télécommunications c'est grâce à «des solutions innovantes qui ont créé une grande valeur pour les clients». «Vous n'arrivez à ce niveau de succès que si les clients font confiance en votre entreprise, votre personnel et votre technologie», a-t-il ajouté. Interrogé sur le scandale de corruption dans laquelle la société est impliquée en Algérie, le responsable ghanéen de Huawei affirme que l'opérateur «prend très au sérieux» cette affaire, et va «faire appel à la décision du tribunal».