A près de 10 jours du Ramadhan, c'est le branle-bas de combat dans toutes les places marchandes où de nombreux magasins sont fermés pour des travaux de réfection, pour refaire la peinture ou pour changer carrément, pour un mois, d'activité. Les bouchers, en grands «saigneurs» de ce sacré mois, refont les devantures de leurs magasins et, pour donner le ton, les font peindre en rouge sang ! Les vendeurs d'épices ont déjà fait le plein de piment rouge, de coriandre en grains, de cannelle, de poivre noir et de tout ce dont ont besoin les mères de famille durant le Ramadhan pour préparer la chorba frik ou les plats mijotés amoureusement. Certaines dépensent entre 2.000 et 5.000 DA pour faire le plein d'épices de toutes sortes. Un peu partout, des marchands de n'importe quoi se sont entendus avec des amis pour s'associer dans la préparation du kalbalouz et de la sempiternelle zalabia et, déjà, l'odeur caractéristique de ces sucreries propres au Ramadhan se fait sentir et vient caresser les narines des passants. Les marchands d'ustensiles de cuisine font aussi de très bonnes affaires, les ménagères se faisant un point d'honneur de changer toute leur armada chaque Ramadhan, en achetant de nouvelles assiettes, de nouvelles marmites, des couscoussiers et des casseroles. D'ailleurs, c'est entré tellement dans les mœurs que, depuis plus d'un mois, nous pouvons remarquer des dizaines de jeunes, qui poussent des remorques pleines d'ustensiles de cuisine, s'égosillant à les vendre à la criée en se déplaçant de quartier en quartier sous le soleil brûlant de l'été. Ailleurs, aux alentours des marchés populaires, c'est à qui occupera la meilleure place, quitte à empiéter sur la chaussée ou à la couper carrément, d'autant plus que l'Etat a démissionné depuis belle lurette, laissant les marchands ambulants se sédentariser au milieu des chaussées, sur les trottoirs, rendant difficile la circulation aussi bien piétonne qu'automobile. Les vendeurs de persil et autres coriandre et menthe embellissent leurs étals, les marchands de fruits multiplient les trouvailles pour rendre les leurs plus attrayants. C'est une particularité du Ramadhan que ces préparations multiples qui font de ces quinze derniers jours du mois de chaâbane une période particulière dans la vie des musulmans qui, pratiquant ou non, jeûnent durant le mois de Ramadhan et le préparent avec grande ferveur. Mais c'est justement de cette ferveur, cette atmosphère particulière, cette volonté qu'ont les Algériens de faire honneur au mois sacré que des personnes sans foi ni loi, des rapaces assoiffés de sang, des saigneurs' maudits profitent pleinement pour se remplir les poches et les panses, sans penser au mal immense qu'ils font à des familles qui se voient obligées de mettre en gage les bijoux de l'épouse ou de s'endetter jusqu'au cou. Il n'y a qu'à voir les augmentations décidées chaque jour par ces personnes pour se rendre compte de cette vérité connue de tous mais que personne ne défend, car de plus en plus de gens ont recours à ce genre de pratique. Les imams ont beau leur rappeler que ce qu'ils font est «haram», les journaux peuvent toujours dénoncer ces pratiques éhontées, tout le monde les regarde comme s'ils étaient des «Martiens» qui ne connaissent rien à la vérité algérienne. Parmi les prix «stars» de cette année, il y a les pois chiches qui coûtent (pour la première fois de leur histoire) entre 300 et 400 DA le kilo et le citron (pourquoi?) qui ne se vend pas à moins de 400 DA. La viande (rouge ou blanche) a pris des ailes, il y a longtemps, et les fruits sont connus pour être hors de portée des bourses moyennes. Beaucoup d'autres produits ont déjà pris ou prendront le cap vers le haut dans les jours qui restent, mais il demeure toujours que les Algériens, quel que soit le prix à payer, attendent toujours le Ramadhan avec une ferveur plus grande.