Un enterrement militaire a été organisé, hier, dans la banlieue du Caire, pour les 16 soldats égyptiens tués dans l'attaque menée contre un poste de gardes-frontières, proche du passage de Rafah. C'est dans une mosquée de l'armée, dans la ville de Nasr, que les cérémonies se sont déroulées en présence de la hiérarchie militaire et notamment du Maréchal Hussain Tantaoui. La cérémonie s'est déroulée en l'absence remarquée du président Morsi mais en présence du nouveau Premier ministre. Les corps de «6 à 8» des auteurs de l'attaque ont été restitués par Israël à l'Egypte. Les services de sécurité égyptiens cherchent à déterminer leurs identités, étape importante pour connaître qui sont les assaillants et leurs motivations, même si la tendance générale consiste à incriminer des djihadistes ultras. L'armée égyptienne a promis de «venger» ces gardes-frontières et estime que les «terroristes» auteurs de l'attaque étaient au nombre de trente-cinq et avaient été appuyés pendant l'assaut par des tirs de mortier provenant de Gaza. L'attaque qui suscite l'indignation populaire en Egypte fragilise le nouveau président égyptien Mohamed Morsi, issu des Frères Musulmans, qui essayait de s'affirmer face aux militaires du Conseil suprême des forces armées (CSFA). MORSI FRAGILISE FACE A L'ARMEE Le président Morsi a effectué lundi 6 août une visite éclair à la ville d'Al Arich, capitale du nord du Sinaï. Il était accompagné de la cellule de crise composée des ministres de la Défense et de l'Intérieur et du chef des services de renseignements de l'Egypte. Le président a décrété un deuil national de trois jours et a promis, à son tour, de «venger les martyrs et d'assainir la zone frontalière». L'affaire met le président égyptien sur plusieurs fronts. L'armée égyptienne a d'emblée fait remarquer qu'il s'agissait de son affaire en promettant de venger les soldats tués. Le président Morsi, relégué dans les premiers moments à un rôle secondaire, n'a fait que suivre. Et surtout sa politique d'ouverture et de normalisation avec Gaza est déjà prise à défaut avec la fermeture du point de passage de Rafah. Les militaires égyptiens ont, dans cette affaire, une opportunité pour exiger plus de fermeté dans la lutte contre les tunnels de Gaza, présentés par Israël comme une source majeure d'insécurité. L'armée égyptienne, qui bénéficie d'une aide annuelle américaine de 1,3 milliard de dollars dans le cadre de l'accompagnement des accords de Camp David, marque clairement que les questions de sécurité et la préservation de la stabilité relèvent de son domaine de compétence. Pourtant, l'organisation des Frères Musulmans, dont est issu le président Morsi, n'hésite pas à aller à contre-courant des analyses distillées par l'armée et qui incriminent des djihadistes venus de la bande de Gaza. LE MOSSAD ACCUSE Les Frères Musulmans égyptiens ont fait en effet sensation en accusant le Mossad israélien d'être impliqué dans l'attentat. Dans un texte mis en ligne sur leur site internet, les Frères Musulmans soulignent que ce «crime ne peut être attribué qu'au Mossad, qui a cherché à faire avorter la révolution depuis qu'elle a commencé». L'organisation des FM présente comme une preuve le fait qu'Israël «a donné des instructions à ses citoyens il y a quelques jours pour que ceux-ci quittent le Sinaï immédiatement». Les Frères Musulmans n'oublient pas de relever que les accords de camp David lient les mains de l'Egypte et l'empêchent de contrôler sérieusement la région du Sinaï. Ce crime, indique l'organisation, «attire également notre attention sur le fait que nos forces dans le Sinaï sont en nombre insuffisant pour protéger nos frontières, ce qui rend impératif de revoir les clauses de l'accord signé entre nous et l'entité sioniste». Les accusations lancées par les Frères Musulmans ont été rejetées par Israël qui les a qualifiées de «nonsens». Le Hamas est également convaincu que le Mossad a instrumentalisé des djihadistes dans une opération qui aboutit à rétablir le siège total sur la bande de Gaza. «Israël est responsable d'une manière ou d'une autre de cette attaque lancée pour gêner la nouvelle direction égyptienne et créer des troubles à la frontière afin de ruiner les efforts visant à en finir avec le siège (israélien) de la bande de Gaza», a indiqué Ismaïl Haniyeh dans un communiqué publié à l'issue d'une réunion en urgence du gouvernement du Hamas. Les relations, déjà très tendues, entre le Hamas et les groupes djihadistes radicaux, pourraient atteindre un point de rupture après cette attaque aux effets graves sur la bande de Gaza. Le Hamas va devoir apporter la preuve aux Egyptiens qu'il peut contrôler de manière effective les activistes salafistes.