Coupure d'électricité, délestage, dans la majorité des wilayas. La situation de Sonelgaz devient la préoccupation première de la opulation algérienne. Au moment où les pouvoirs publics algériens placent plus de 80% de réserves de change à l'étranger, pays doté en hydrocarbures, la majorité des Algériens ne s'expliquent pas les importations massives à coups de millions de dollars de gasoil et d'essence sans plomb et ces tensions sur la consommation électrique touchant tant des citoyens avec pourtant des factures, de plus en plus élevées, que des opérateurs qui connaissent des pertes considérables. L'objet de cette modeste contribution est d'essayer d'en expliquer les raisons. SITUATION DE SONELGAZ ET POURQUOI LES DELESTAGES En termes de bilan physique, le nombre total de clients électricité de Sonelgaz a été de 7,5 millions d'abonnés, en 2011, en évolution de 4,4% par rapport à 2010, selon le rapport officiel Sonelgaz de 2011. Les clients « basse tension », continuent de constituer la grosse part du portefeuille électricité suivis, de loin, par la moyenne tension (45.118 abonnés) et 102 abonnés pour la haute tension. La production totale d'électricité en 2011 a ainsi atteint 48.872 GW/h, dont 26.846,6 GW/h assurés par la Société de production d'électricité (SPE, filiale Sonelgaz) et 22.663,9 par des producteurs tiers. A l'instar de l'électricité, le portefeuille gaz est dominé par la clientèle « basse pression » avec 3,341 millions d'abonnés, contre 4.432 clients moyenne pression et 202 abonnés pour la haute pression. Par ailleurs, le taux national d'électrification a atteint 99% en 2011, soit un taux des plus élevés au monde, alors que la couverture en gaz est de 47,4% avec une projection de dépasser 52%, en 2014. Sur le plan financier, selon le rapport 2011, le groupe Sonelgaz a engagé des investissements de près de 3 milliards de dollars en 2011, essentiellement financés par des ressources externes. Les crédits bancaires ont couvert 55,8% (120,1 milliards de dinars). Le financement de ce programme d'investissement estimé à 215,4 milliards sz DA, contre 90 milliards de DA, a été assuré par les fonds propres du groupe (41,8%), tandis que la participation de la clientèle s'élève à 4,7 milliards de DA (2,2%). La part des dotations de l'Etat demeure, quant à elle, minime avec un apport de 600 millions de DA (0,3%). En outre, le niveau exceptionnel d'autofinancement (90 milliards DA) est dû, dans une large mesure, aux remboursements par l'Etat de 59,9 milliards DA, au titre du précompte TVA, du soutien de l'Etat pour la facturation des wilayas du Sud et le préfinancement des programmes publics, à hauteur de 23,9 milliards DA. De même, le groupe a réalisé un chiffre d'affaires global de 356 milliards de DA, les métiers de base ayant représenté 68% de ce bilan, dont 39% pour l'activité distribution d'électricité, 18% pour la production d'électricité et 11% pour le transit d'énergie. L'exercice 2011 s'est, toutefois, soldé par un déficit de l'ordre 55,5 milliards de DA. POURQUOI CETTE SITUATION NEGATIVE ? Premièrement, ce déficit s'explique par le manque de vision de l'ensemble de la politique socio-économique du gouvernement où n'ont pas été réalisés les investissements nécessaires, relevant des prérogatives du ministère de l'Energie et pas de l'entité Sonelgaz ; ce qui a eu comme conséquence, faute de projections, un large déficit de production come j'ai eu à l'expliquer dans l'hebdomadaire parisien « Jeune Afrique » de juillet 2012. Il n'est pas exclu, également, que la diversification de ses activités industrielles lui a fait perdre ses métiers base à l'instar de Sonatrach. Deuxièmement, par le gel des prix de l'électricité depuis 2005, entraînant un gaspillage au niveau de la consommation, à l'instar de certains produits subventionnés comme le gasoil, l'essence et le pain. Le niveau d'investissement annuel, dont a besoin le groupe, se trouve, cependant, au-dessus de ses revenus. Même si le rapport ne le dit pas ouvertement, il suggère, d'une façon à peine voilée, une augmentation des tarifs ou alors le gouvernement doit mettre la main à la poche. L'augmentation souhaitable des tarifs selon le rapport Sonelgaz devrait correspondre à une revalorisation de 11% par an pour pouvoir financer les investissements de Sonelgaz, induits par l'augmentation de la capacité de production». Or le gouvernement vient de décider de geler les tarifs pour 2012 pour des raisons surtout sociales. Je préconise pour une transparence de la gestion de Sonelgaz mais également d'autres entreprises dont Sonatrach, d'aligner le prix de cession pour une transparence de sa comptabilité interne, sur celui des coûts de production avec une marge de profit raisonnable. Pour tester de son efficacité économique, la comparaison avec les standards internationaux serait alors possible et souhaitable. En contrepartie, au niveau gouvernemental, comme je l'ai suggéré dans un audit réalisé sous ma direction sur le prix des carburants au sein d'un modèle concurrentiel (1) d'installer un organisme indépendant, chargé d'un système de péréquation afin de soutenir les segments à valeur ajoutée et protéger le pouvoir d'achat des citoyens, toute subvention devant être budgétisée au parlement et le montant structuré inscrit clairement dans la loi de finances annuelle. Troisièmement, le niveau alarmant des créances impayées. Si le groupe a réalisé un bilan consolidé de 2.050 milliards de dinars, en augmentation de 14% par rapport à 2010, et un chiffre d'affaires brut de 356 milliards de dinars, il peine néanmoins, à recouvrer ses créances. Parmi les plus importantes d'entre elles le précompte TVA (taxe sur la valeur ajoutée) et le préfinancement des programmes publics. A cet effet, le groupe Sonelgaz compte solliciter , une nouvelle fois, les pouvoirs publics pour le règlement définitif du dossier d'assainissement financier et pour la mise en œuvre effective du statut fiscal spécifique à ses sociétés Ces dossiers des créances impayées ont constitué des facteurs aggravants qui ont maintenu la situation financière du groupe dans un déficit similaire à celui de 2010. Ces créances impayées aggravent cette situation Celles-ci ont atteint un niveau élevé de 39,5 milliards de dinars, dont 13 milliards détenues essentiellement auprès de l'administration et 19 milliards auprès des clients privés, selon le rapport de Sonelgaz. Pour certains responsables des sociétés de distribution, il est impossible de couper l'électricité à certaines institutions, notamment les écoles ou les hôpitaux. Quatrièmement, les branchements anarchiques, le taux de pertes de l'électricité a été 19,52%, en-deçà des objectifs. Dans l'activité du gaz, le taux de pertes s'élevait à 7,1% dues, comme l'électricité. Sonelgaz, perd annuellement plus de 10 milliards de dinars à cause de la fraude et de l'inefficience de gestion. Cinquièmement, un argument développé par les managers de Sonelgaz , le problème d'opposition des particuliers de céder leurs terres et le code des Douanes, amendé en 1997, qui serait un système de gestion par expédition, constituant un problème contraignant au développement de l'entreprise. Selon la direction de Sonelgaz, l'actuel code des Douanes interdit les expéditions échelonnées alors que l'ancien système autorisait l'importateur à donner des valeurs indicatives à certaines expéditions et faisait ressortir la vraie valeur des équipements importés dans le décompte final. Par contre, l'actuel code énonce que chaque expédition doit être déclarée indépendamment du contrat et doit correspondre à sa juste valeur, ce qui est impossible», selon Sonelgaz, pour qui un contrat de fourniture d'une usine clés en main' est un contrat forfaitaire global où les expéditions sont données à titre indicatif. LOI SUR L'ELECTRICITE/DISTRIBUTION DU GAZ DE 2002 ET URGENCE D'UN NOUVEAU MODELE DE ONSOMMATION ENERGETIQUE Concernant le premier facteur, cette loi devait favoriser la venue de nouveaux producteurs d'électricité afin de mettre fin au monopole de Sonelgaz et donc favoriser la concurrence qui aurait eu comme impact une augmentation de la production et sur la baisse des prix. Elle est régie par la Loi n° 02-01, du 5 février 2002, relative à l'Electricité et la Distribution du Gaz par canalisations. Le décret présidentiel n° 02-195 du 1er juin 2002, porte statuts de la Société algérienne de l'électricité et du gaz dénommée «Sonelgaz-Spa». Depuis la promulgation de la loi sur l'électricité et la distribution du gaz par canalisations, Sonelgaz a dû se restructurer en Groupe industriel de 29 filiales. Cette restructuration a pour raison de préparer cet opérateur historique à faire face à la concurrence qui pourrait apparaître. Déjà dans le cadre de ces filialisations, en décembre 2005, Sonatrach et Sonelgaz ont récupéré totalement leurs filiales et ce, suite à la résolution du Conseil de participations de l'Etat (CPE), le 4 octobre 2005. Les entreprises, qui deviennent la propriété entière du groupe Sonatrach, sont l'ENTP, l'ENSP, l'ENAFOR, l'ENGTP et l'ENAGEO. Quant à celles qui reviennent à Sonelgaz, ce sont KAHRIF, KANAGHAZ, KAHRAKIB, ETTERKIB et INERGA. Comme existe des investissements conjoints Sonatrach Sonelgaz. Cela s'est poursuivi récemment où selon l'agence officielle APS, en date du 13 juin 2012, le groupe Sonatrach va céder ses actions dans quatre stations électriques à Sonelgaz qui devrait en faire une deuxième grande compagnie du pays, dans le domaine de l'électricité. Il s'agit des stations de Tergua, Koudiet Edrraouch, Berrouaghia et Skikda qui font actuellement l'objet de négociations avec le groupe pétrolier qui compte se délester de ses actions dans ces usines. Ainsi réalisée en joint-venture Sonelgaz-Sonatrach (51% des parts pour 49% de SKF), construite par Alstom et Orascom, la centrale va être confiée pour son exploitation et sa maintenance à AOM (Algerian Operating and Maintenance). La centrale électrique de Terga, wilaya d'Ain Témouchent, a été mise en service en février 2012, avec ses trois groupes de 400 mégawatts chacun. Entré en période d'essai depuis février dernier, le premier d'entre eux a été mis en service industriel, il y a une dizaine de jours. A côté de Sonelgaz, la loi a instauré la commission de régulation de l'électricité et du gaz (CREG), relevant du ministère de l'Energie et ayant trois missions principales : la réalisation et contrôle du service public, le conseil auprès des pouvoirs publics en ce qui concerne le marché de l'électricité et du gaz, la surveillance et le contrôle du respect des lois et des règlements relatifs au marché de l'électricité et au marché national du gaz. Son rôle est de veiller au bon fonctionnement concurrentiel et transparent du marché de l'électricité. Pourtant, les six décrets exécutifs de la loi n'ont pas donné l'impulsion nécessaire à l'application de la loi sur la réforme du secteur de l'électricité, en Algérie, et l'introduction progressive de la concurrence. Concernant la concurrence privée, les conditions nécessaires à leur implantation significative en Algérie ne sont probablement pas encore réunies (environnements bancaire, fiscal, assurances, services connexes, etc.), ne sont pas en place, d'autant plus que les investissements dans le domaine de la production du transport ou de la distribution sont lourds et le retour sur investissement long. Pour imposer cette concurrence sur le marché, il faut qu'il y ait une abondance de l'offre en quantité et une multitude d'acheteurs. Or, dans l'état actuel de la réglementation, selon le CREG, seuls les distributeurs peuvent acheter de l'électricité. Les autres consommateurs potentiels n'ont pas encore le droit d'acheter de l'électricité à des producteurs, les autres textes d'application n'étant pas entrés en vigueur. Avec le bas prix de cession actuel plafonné et la loi algérienne des 49/51%, il est exclus d'attirer des investisseurs potentiels. Car les quatre nouveaux producteurs, en théorie, indépendants organiquement de cette entreprise que sont KAHRAMA à Arzew, SKS à Skikda, SKB à Berouaguia et Skh, la société Charikat kahrab Hadjrat Ennouss, une centrale de 1.200 MW, dont le capital est, dans la globalité, détenu par des étrangers, dépendent en réalité, de la politique énergétique de Sonelgaz qui est toujours en monopole absolu. Face à cette situation, selon les statistiques internationales, dans 16 ans, l'Algérie aura épuisé son pétrole et 25 ans pour le gaz conventionnel, avec une population d'environ 50 millions d'habitants. Et ce, tenant compte de la percée du gaz non conventionnel, des coûts croissants, de l'entrée de nouveaux concurrents, des mutations énergétiques mondiales avec un nouveau profil de croissance, et surtout de la forte consommation intérieure, représentant environ, selon le CREG, entre 2015/2020, 60/70% des exportations extrapolées à 85 milliards de mètres cubes gazeux. Sans une production hors hydrocarbures l'Algérie risque d'avoir des délestages croissants. Or, l'électricité et le gaz sont des éléments fondamentaux, tant au développement économique que pour les citoyens et donc un segment engageant la sécurité nationale. Et se pose cette question stratégique : quel modèle de consommation énergétique pour l'Algérie horizon 2025/2030, non encore mis en place ; part du gaz conventionnel, du gaz non conventionnel, énergies renouvelables ? Dans ce cadre, pour le futur, et parer à ce triste scénario, quelle est la part, par exemple des énergies renouvelables où selon le rapport Sonelgaz 2011, l'Algérie devrait pour produire 1.200 mégawatts en électricité supplémentaires, par an, d'ici à 2020 et dans ce plan, les énergies renouvelables sont intégrées à hauteur de 40%, en 2030. Récemment, mi-juin 2012, le P-DG de Sonelgaz avance que le programme de 80 milliards de dollars, dont les deux tiers ont été affectés au développement des énergies renouvelables et un tiers pour la promotion de l'efficacité énergétique, permettra d'installer une puissance d'origine renouvelable de près de 21.000 MW entre 2011 et 2030. Très optimiste, le rapport prévoit 10.000 MW, dédiés à l'exportation pour autant que l'accès aux marchés européens sera rendu possible, et que les risques de commercialisation soient partagés. Mais l'attitude des autorités publiques algériennes est jusqu'à présent ambiguë, décision éminemment politique, Sonelgaz n'étant qu'un opérateur, vis-à-vis du projet « Desertec » qui s'insère dans le cadre de l'axe Afrique du Nord/Europe. En résumé, faute d'insérer les opérateurs d'électricité et de gaz, au sein d'une vision stratégique, afin d'impulser des investissements nouveaux qui deviennent urgents, il y a une forte probabilité à des délestages croissants. Cela renvoie à l'urgence d'une plus grande cohérence et visibilité de la politiques socio-économique, à l'Etat de droit et donc à une gouvernance renouvelée.