Les Algériens de gros acheteurs d'immobilier en Espagne ? L'information est devenue anodine même si les données chiffrées sur le phénomène n'existent pas. Il reste que la multiplication d'annonces sur les sites spécialisés en direction de clients algériens, le buzz que la question provoque dans les salons des classes moyennes supérieures algériennes et la flambée continue de l'euro sur les marchés parallèles, constituent des indicateurs de l'étendue de ce type de "placement". Ce qui est certain est que ce ne sont pas des investissements, ni de vrais placements. Il serait en effet improbable que les Algériens aient trouvé le moyen de rentabiliser l'immense patrimoine immobilier espagnol tombé en jachère faute de clientèle massive. De prime abord, il s'agit surtout d'achats de résidences secondaires à des coûts sans commune mesure avec ceux pratiqués en Algérie pour des offres similaires. Malgré les dépenses liées aux coûts d'entretien, de gardiennage et d'impôts locaux, les propriétaires algériens en Espagne restent contents. L'achat d'une résidence en Espagne ne donne pas le statut de résidant mais il semble que cela facilite bien l'obtention de visas d'entrée. Des articles parus dans la presse espagnole ont profilé le modèle d'acheteur algérien. Il réside en Algérie, il exerce une profession libérale ou active dans le commerce, il est instruit et cultivé et dispose de moyens financiers suffisants mais il n'a pas une fortune colossale. Autre trait, important, signalé dans le profil : ses achats, ils les payent le plus souvent en cash. Les Algériens représenteraient, selon la presse espagnole, près de 70% des acheteurs étrangers de la région d'Alicante. Ils seraient actuellement de plus en plus nombreux en Catalogne, sur la Costa Brava et la Costa Dorado, notamment les Algérois qui sont juste à une heure d'avion de Barcelone. GROS TRANSFERTS EN QUETE D'UN «STYLE DE VIE» Plus que la sécurité de l'investissement ou la stabilité institutionnelle, ce que recherchent les Algériens qui achètent en Espagne est une forme de style de vie: un confort résidentiel à moindre coût comparé aux prix auquel revient en Algérie, une offre résidentielle balnéaire avec piscine- et une certaine "paix sociale". Cette dernière étant entendue comme l'opportunité de passer des vacances loin de la cohue que connaissent nos côtes en été et surtout loin de la pression moralisatrice qui s'exerce sur les baignades en maillots de bain, sur les femmes seules et sur la consommation d'alcool. Quand les chiffres que représentent ces achats d'immobilier effectués par des bons pères de famille, sont agrégés, ils donnent le tournis. Les douanes algériennes estiment à près d'un milliard de dollars les transferts illégaux de fonds à partir de l'Algérie. Ce montant ne serait que la partie visible de l'iceberg. En plus des gros porteurs que sont les cambistes connus et qui disposent des complicités nécessaires pour passer en toute sécurité ou encore des transferts importants à partir de places bancaires fortes comme Dubaï, de nombreux passeurs moins chargés transfèrent en liquide, à partir des aéroports de l'intérieur du pays, des montants qui vont jusqu'à la centaine de milliers d'euros. DES CHIBANIS ET DES CHIBANIYAS TRANSPORTEURS DE FONDS ! Ce sont des chibanis et chibaniyas habitués à des allers-retours réguliers qui "transportent" les fonds qui alimentent les comptes ouverts auprès de banques espagnoles. Ces établissements bancaires ont au début de la vague d'achat de biens immobiliers par des algériens octroyés des crédits importants sur la base de dossiers justifiant de revenus en Algérie (registre de commerce, relevés bancaires, etc.). Ce n'est qu'à la suite d'instructions internationales sur les flux illicites de fonds que les cellules espagnoles de renseignement financier se sont inquiétées auprès des autorités algériennes et de leurs propres banques. En cause, l'absence de traçabilité des montants servant à payer les acquisitions immobilières des étrangers, notamment des algériens dont les fonds transitaient rapidement par des comptes ouverts en Espagne et qui étaient alimentés en liquide ou par des transferts à partir des Emirats. Les banques et les agences immobilières se sont du coup montrées nettement plus regardantes quant il s'agit de transactions immobilières avec les Algériens. Mais la nécessité de faire tourner le business dans un secteur et dans un pays qui reste frappé par la crise a vite fait d'aider à lever les contraintes. Les Algériens quant à eux continuent à rêver à leurs vacances, «chez eux», en Espagne et à voir le cercle s'élargir de ceux qui le réalisent.