Sale temps pour ceux qui oseront lever le petit doigt et casser leur tirelire, vider leurs bas de laine et se rendre ensuite au Mont de Piété pour prétendre s'offrir le luxe d'un mouton pour la prochaine fête du sacrifice d'Abraham qui pointe déjà son nez. La pilule sera amère et dure à avaler pour ceux qui cèderont à la tentation. La toison du bélier vaut bel et bien son pesant d'or. Qu'ils soient éleveurs ou maquignons, peu importe leur statut, ils se sont passés le mot et sont décidés à saigner à blanc les chefs de famille y compris les plus nantis. Ils promettent déjà que leurs clients, sans l'ombre d'un doute, seront tous logés à la même enseigne, parole d'un spéculateur sans scrupules élevé dans les plus grands marchés à bestiaux du pays. Lors de nos récents passages dans les trois grands marchés hebdomadaires à bestiaux de la wilaya d'El Bayadh, nous avons eu droit à de désagréables surprises et même les bouchers, habitués de ces lieux ont eu des sueurs froides dans le dos en apprenant le prix d'un agneau âgé de deux années seulement qui a franchi la barre des 50.000 Da l'unité alors que Sire Bélier, d'un poids de 45 kg et plus, se laisse arracher difficilement à 95.000 DA. Incroyable mais vrai, jamais de mémoire d'homme les prix n'ont été aussi inaccessibles, nous a-t-on assuré. La toison du mouton brûlera certainement les doigts de ceux qui seront tentés de la tâter les prochains jours. Perplexes et désemparés les quelques rares et potentiels acheteurs croisés sur les lieux ont préféré retourner bredouille plutôt que de se faire plumer par des éleveurs avides de gains faciles et une faune d'intermédiares aux aguets, depuis la fin du mois sacré du Ramadhan. Ils affluent de partout et viennent des frontières de l'extrême/est du pays pour rafler des troupeaux entiers pour en faire qu'une seule bouchée sans même converser sur le prix de vente. Si de nos jours le prix du kilogramme des viandes blanches et rouges a pris l'ascenseur le plus rapide sans même crier gare et déchiré les bourses, l'on se demande combien seront-ils ces heureux élus qui oseront ramener chez eux le mouton, la veille de l'Aïd ? Ce n'est pas seulement la brusque envolée des prix de l'aliment du bétail qui a mis le feu aux prix mais aussi la concurrence féroce et déloyale qui prévaut chez les maquignons et la fête du sacrifice leur est propice, une occasion en or et à laquelle ils se préparent depuis le début de cet été. Passant du simple au triple sinon davantage, en l'espace d'une saison seulement, le prix de l'agneau (El haouli) cité comme référence dans les marchés, donne le vertige et ce n'est que le début d'une période qui s'annonce sous de mauvais auspices pour les chefs de famille qui ne seront guère nombreux à s'offrir le mouton de l'Aïd. Le chevreau, d'un poids d'à peine 10 kg qui consolait autrefois la marmaille de dizaines de chefs de famille peu aisées a emboîté le pas à l'agneau en frôlant la barre des 15.000 DA.