La secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton débarquera, mardi prochain à Alger, avec un sujet dominant : la situation au nord du Mali et les groupes terroristes dans la région du Sahel. Une visite soutien ou une visite pression ? Toutes les lectures sont possibles, la position de Washington sur la crise malienne ayant connu une évolution après l'attaque du 11 septembre 2012 contre le consulat US à Benghazi. La porte-parole du département d'Etat, Victoria Nuland a clairement identifié les sujets majeurs que souhaite évoquer Mme Clinton avec les responsables algériens et notamment le Président Bouteflika : «Le Mali est l'un des sujets que la secrétaire d'Etat souhaite aborder avec les responsables algériens, ainsi que la question générale d'Aqmi». Pour relever le caractère très particulier de cette visite, l'agence officielle APS souligne que celle-ci est «différente» des autres : ce n'est pas un voyage régional mais une visite à destination «unique», vers l'Algérie. Mais ce voyage «unique» ne manquera pas d'inquiéter ceux qui, en Algérie et pas nécessairement dans les circuits officiels, appréhendent de voir le pays entraîné dans une entreprise non souhaitée et aux conséquences imprévisibles. Les Américains étaient, durant les derniers mois, très réservés à l'égard d'une intervention de la Cédéao. Ils mettaient en avant l'impératif d'une remise en ordre préalable à Bamako et d'un retour à une légitimité constitutionnelle incontestée. Cela les rapprochait de la position algérienne mais les Etats-unis semblent avoir évolué après le choc de l'attaque, le 11 septembre, contre le consulat de Benghazi où leur ambassadeur et trois autres fonctionnaires ont trouvé la mort. Requalifiée d'acte terroriste préparé, l'attaque a créé un sentiment «d'urgence» à traiter le risque AQMI', ce qui a rapproché Washington des positions de Paris. INSISTANCE LOURDE Le plus embarrassant dans cette évolution est le fait que les Américains insistent lourdement sur une implication de l'Algérie. Autant la réponse par un niet franc aux sollicitations des Français paraît simple, autant elle semble compliquée vis-à-vis des Américains. De manière assez étrange, la porte-parole du département d'Etat s'est appuyée sur des «informations de presse de jeudi», pour estimer que «le gouvernement algérien semblait plus ouvert pour soutenir une force de la Cédéao».»Nous espérons poursuivre cette discussion quand nous serons là-bas», a dit Mme Nuland. La plus grande puissance s'appuyant sur des informations de presse équivoques et sans source officielle algérienne à l'appui, cela a de quoi intriguer ! Certains pourraient y voir une forme de pression pour une implication de l'armée algérienne dans l'opération projetée au nord du Mali. Ce refus de l'Algérie de s'impliquer au-delà de ses frontières ainsi que sa volonté de créer une déconnexion entre les Touaregs d'Ançar Eddine et les groupes terroristes sont devenus une source de friction entre Alger et Paris. Ce que dira Mme Clinton au cours de cette visite «unique» sera donc d'une grande importance. Il n'est pas certain que l'Algérie et les Etats-Unis aient toujours «une approche partagée» sur la question du Mali, selon la formule utilisée par l'APS. De manière très vague, l'agence parle d'une «approche partagée entre Alger et Washington dans la recherche d'une solution globale, assurant la stabilité et la préservation de l'intégrité territoriale du Mali, tout en éradiquant le terrorisme et le crime organisé, par tous les moyens y compris par la force». Certes l'Algérie n'a jamais exclu un traitement militaire mais elle a posé des préalables politiques (dialogue, réconciliation au Mali avec renoncement des Touaregs au séparatisme .) qui n'ont guère été appréciés par Paris et les Etats de l'Afrique de l'Ouest sous influence. LA LIGNE PANETTA Dans quel sens évolue la politique américaine ? Il faudra relire les propos du secrétaire américain à la Défense, Leon Panetta : coopération entre les Etats de la région pour empêcher AQMI' de transformer le nord du Mali «en base de commande et de contrôle» d'opérations terroristes. «L'effort doit être mené pour travailler avec les pays de la région, afin de s'assurer qu'Al-Qaïda ne développera pas ce genre de base au Mali. Il doit y avoir un effort qui doit être développé en collaboration avec d'autres pays de la région qui partagent la même préoccupation». «Je me suis fait clair dans les positions que j'avais eues lorsque j'étais le directeur de la CIA et maintenant, en tant que secrétaire à la Défense, que nous devons nous assurer qu'Al Qaida ne doit pas trouver d'endroit pour se cacher et que nous devons continuer à aller les chercher là où ils sont et là où ils tentent d'établir une base de commandement et de contrôle, à partir de laquelle ils pourraient mener des attaques, que ce soit en Europe ou dans ce pays (Etats-Unis)». Léon Panetta n'a pas été clair sur le rôle militaire que joueraient les Etats-Unis dans la crise malienne. «Ce que les Etats-Unis sont prêts à faire, c'est de discuter avec nos partenaires régionaux d'un plan qui traiterait cette menace et comment y faire face». L'expression qui domine reste «l'implication» des Etats de la région. Et il est clair que les Etats-Unis incluent l'Algérie dans cette action rendue désormais, possible par la résolution 2071 sur le Mali. Comment les Américains voient-ils le rôle de l'Algérie dans l'objectif de «restaurer l'autorité de l'Etat malien sur l'ensemble de son territoire national, de maintenir l'unité et l'intégrité territoriale du Mali et de lutter contre la menace posée par «AQMI» et ses groupes affiliés» ? C'est toute la question qui sera discutée lors de cette visite, très particulière.