Pour qui vote l'armée algérienne ? C'est la question de fond. Car on sait pour qui votent les vieux, les vieilles, les conservateurs et ceux qui ont peur du changement (à tort ou à raison) et le grand pays rural. On sait que les vieux votent pour le vieux parti et que les jeunes ne votent pas pour les jeunes partis. On sait que le RND est le peuple des bureaux, des guichets, des administrations et des cachets humides et de la rente bureaucratique. On sait aussi que les islamistes votent selon le vent et pas selon l'Islam. Reste donc la question de «pour qui vote l'armée algérienne ?». Officiellement pour personne de précis: l'armée est au-dessous des lois, mais au-dessus des choix. Elle vote un par un et pas tous à la fois comme autrefois. Le piège est cependant malin: l'armée a le droit de voter selon la démocratie mais si elle vote elle fait souvent pencher la balance. Vers qui ? C'est là le fond du problème: pour ces dernières élections, des Algériens ont même empêché des militaires venir voter en masse avec des procurations en vrac ou en fausses tenues de civils. Cela s'est passé un peu partout dans le pays: des militaires ont voté mais ont voté par procurations massives ou par bus entiers. Pour les opposants, c'est le signe d'une fraude subtile en faveur d'un parti. Lequel ? Le FLN dit-on. Question: pourquoi les militaires seraient-ils tentés par voter FLN alors que c'est le parti qui les a poussés à la rupture avec le peuple en 88 ? Plusieurs pistes: à cause de la filiation historique. L'une est née de l'autre. Ou vice versa. Ou à cause de consignes routinières pas encore renouvelées: Dahou Ould Kablia appelle à la neutralité mais la définition du mot neutralité n'a pas été mise à jour dans des casernes depuis les années 62. Ou à cause du sens de l'intérêt particulier: le FLN on connaît, les autres on ne connaît pas. Selon d'autres, il s'agirait même d'un complot ourdi: on sabote des élections propres par des contre-ordres discrets donnés par des parties adverses. L'armée serait ainsi un corps traversé par des courants redresseurs et d'ordres conservateurs. Dans tous les cas, le dilemme est entier: l'armée a le droit de voter mais on ne sait pas comment ni pour qui. Est-ce que c'est l'armée qui vote ou le soldat de l'armée selon son libre choix? Comment ? Et surtout pour qui ? L'autre énigme est dans l'évidence: l'armée vote un président, un avion, un haut comité d'Etat, pas un maire de village. C'est vraiment voir petit quand on peut choisir grand. D'où la théorie du complot. Ou la théorie du contre-ordre. Ou la théorie du «plan pour verrouiller le jeu de bas en haut». Ou la théorie de la théorie. Ou seulement le sens de l'ordre qui signifie le pouvoir et qui peut avoir pour prête-nom le FLN. Ou seulement la théorie de l'abus d'obéissance, explication plus plausible que l'abus de Pouvoir. Le problème est que l'armée a tellement fait le politique en Algérie que même quand elle ne fait que voter, on ne peut plus la croire. La raison, un proverbe: qui choisit un président, choisit un maire. Reste que la question de la Fraude est ouverte à tous: sur Youtube, un homme averti a filmé une fraude technico-comique dans la wilaya de Tébessa. A voir, pour ceux qui veulent rire.