Le mardi est une journée à très haut risque en Egypte. Tout dépendra de la tournure que prendra le face-à-face dans la rue au Caire et ailleurs entre manifestants anti et pro-Morsi. Le pays a vécu une journée semblable mercredi dernier durant laquelle des affrontements entre les deux camps avaient fait 7 morts et des centaines de blessés. Le climat de tension qui règne depuis en Egypte fait craindre à l'éventualité de nouveaux affrontements entre les deux camps encore plus sanglants, au vu qu'ils ont appelé leurs partisans à descendre en masse dans la rue. Le président Morsi n'exclut pas l'éventualité d'une confrontation dramatique qui inévitablement déboucherait sur un « désastre » pour l'Egypte, comme ont dit le craindre les militaires qui ont averti qu'ils ne « sauraient le tolérer ». Il pense avoir pris les devants en autorisant l'armée à arrêter des civils en cas de violences qui se produiraient. L'opposition et les partisans de Morsi sont déterminés à faire une démonstration de force dont ils escomptent qu'elle démontrera qui d'entre eux représente réellement la volonté populaire en Egypte. L'opposition regroupée dans le Front du salut national (FSN), une alliance de formations prônant les principes de laïcité, de libéralisme et de démocratie, descend dans la rue pour contraindre le président Morsi à surseoir à l'organisation la semaine prochaine du référendum sur le projet de nouvelle Constitution dont elle désapprouve le contenu rédigé par une commission constituante composée majoritairement de représentants du courant islamiste égyptien. Elle reproche à ce projet de Constitution d'anéantir les droits et libertés des citoyens. Les Frères musulmans auxquels appartient le président égyptien ainsi que les autres tendances du courant islamiste disputeront la rue à cette opposition pour exprimer leur soutien à Morsi et l'encourager à ne pas céder à son exigence de report du référendum. Pour peu que la démonstration de force à laquelle les deux camps ont appelé se déroule pacifiquement, il sera possible d'évaluer avec moins de subjectivité et de parti pris la réalité de leur rapport de force en terme de représentativité populaire. Un éclairage susceptible de permettre de porter un jugement donc plus équilibré sur le bien-fondé de la revendication qui est l'enjeu de la mobilisation de l'un et de l'autre. Sauf que le scénario de manifestation pacifique apparaît hypothétique tant les deux camps semblent déterminés à imposer leur point de vue quitte à se disputer violemment la rue. Morsi a été jusqu'à hier harcelé par l'opposition seule dans la rue. Il lui a concédé la concession d'abroger le décret par lequel il a placé ses pleins pouvoirs à l'abri de toute contestation d'ordre judiciaire. Il ne pouvait aller plus loin sans se mettre à dos son propre camp politique, lequel a donc décidé de montrer sa force pour le conforter à ne pas céder aux adversaires du référendum. Ce qu'il décidera va dépendre de ce qui se produira aujourd'hui dans les rues égyptiennes. Bien entendu que Morsi souhaite que la démonstration de force des islamistes l'emporte en ampleur sur celle de l'opposition. C'est la seule issue qui préservera sa légitimité à condition encore une fois que la violence ne soit pas au rendez-vous. Faute de quoi il en sortira affaibli au plan de légitimité et contraint de composer avec l'armée sur laquelle il paraissait avoir pris le dessus. Mais sur laquelle il devra forcément s'appuyer pour tenter de faire face aux inévitables et dramatiques événements qui découleraient en Egypte de la confrontation entre ses partisans et ceux de l'opposition.