Dans les milieux des affaires et des experts partisans d'une libéralisation de l'économie, les cent jours du gouvernement Sellal sont «globalement positifs». Pas de décisions majeures mais une volonté d'assouplir, de jouer un rôle de «facilitateur», qui est déjà perçue comme un début, un «frémissement» Pour un exécutif qui était seulement censé expédier les affaires courantes en attendant des échéances politiques importantes, les chantiers ouverts ne manquent pas depuis la nomination du gouvernement Sellal. En un peu plus de 3 mois, la nouvelle équipe gouvernementale s'est attaqué, dans l'ordre, à la réhabilitation du service public, à la résorption du commerce informel, à l'hygiène des villes et l'élimination des décharges sauvages ainsi qu'à la distribution des logements sociaux gelée depuis plusieurs mois. Dans la foulée, il annonce que les procédures concernant les investissements étrangers vont être «allégées», que la nouvelle loi sur les hydrocarbures est prête et que la production de logements va être intensifiée grâce à l'intervention plus active de partenaires étrangers. La liste n'est pas exhaustive. Rien que la semaine dernière, le gouvernement réunissait les partenaires sociaux pour leur proposer un «contrat de croissance». Le premier ministre en a profité pour sommer les banques de mieux répondre aux attentes de la clientèle et a demandé à la Banque d'Algérie de s'en occuper. Pour faire bonne mesure, on apprenait également que des Etats généraux de l'industrie algérienne associant l'ensemble des organisations patronales sont en préparation et doivent se tenir sans doute en janvier. Dans certains cas, il ne s'agit pas seulement d'annonces puisqu'un début d'exécution est constaté sur le terrain. Sur les marchés informels par exemple un bilan récent fait état de plus de 10.000 commerçants recasés et régularisés et du recensement de plus de 60.000 autres qui doivent l'être d'ici le ramadhan 2013. UNE IMAGE PRAGMATIQUE Cet «activisme» du nouveau gouvernement suggère, d'abord, par contraste, l'immobilisme qui a caractérisé l'action de l'exécutif algérien au cours des dernières années. Il éclaire rétrospectivement l'état de paralysie qui a frappé depuis près de 2 ans, pour des raisons encore non élucidées, le gouvernement d'Ahmed Ouyahia dans la gestion des dossiers qui ont constitué le plus clair de l'actualité économique et sociale du pays. Le style du nouvel exécutif suggère de façon explicite, et d'ailleurs médiatisée - à travers les nombreuses réunions programmées au cours des dernières mois en présence des ministres et des walis, une série de conseils interministériels sur des sujets brulants et la dernière réunion avec les partenaires sociaux - une volonté de se rapprocher du terrain, de travailler vite et d'enregistrer rapidement des résultats concrets. Par tempérament ou par calcul politique, l'exécutif dirigé par Abdelmalek Sellal tente de forger une image de gestionnaire pragmatique et efficace. L'exemple de la politique du logement est assez frappant. Sur un sujet hautement sensible, le gouvernement Sellal fait d'abord le constat sans concession des retards dans l'exécution du plan 2010- 2014( un peu moins de 500 000 logements achevés en 3ans), s'engage à en livrer au total 1.200 000 d'ici fin 2014 et relance le partenariat. Au cours des deux dernières semaines, on annonçait que des sociétés mixtes ont déjà été constituées avec des opérateurs espagnols et que des protocoles d'accord viennent d'être finalisés avec les italiens et les portugais. MOINS D'IDEOLOGIE Même si le gouvernement Sellal parait vouloir éviter les affichages idéologiques, tout semble indiquer qu'il tente de gommer progressivement beaucoup des décisions les plus controversées adoptées au cours des dernières années dans le champ économique. Il n'y a pas de démarche de remise en cause pure et simple de la règle du 51/49, mais on s'oriente sans doute vers la direction préconisée par des spécialistes et des opérateurs économiques nationaux : une réglementation plus souple et mieux adaptée aux spécificités de chaque secteur voire de chaque projet d'investissement. La révision de la loi sur les hydrocarbures s'inscrit dans la même problématique : assouplir et rendre plus attractive une réglementation qui a eu, au cours des dernières années, un effet répulsif sur le développement du partenariat international ainsi qu'en témoigne l'échec des derniers appels d'offre des autorités du secteur en matière d'attribution de nouveaux périmètres d'exploration. Sur beaucoup de dossiers en suspens depuis plusieurs années, les négociations paraissent s'accélérer ces dernières semaines. Avec Renault Total, Sanofi, Lafarge, les délégations se succèdent et on s'attend à des annonces à l'occasion de la visite du Président français prévue pour le 19 décembre. Le recours au partenariat étranger dans le secteur du logement suggère la même image d'un exécutif plus décomplexé à l'égard de l'investissement étranger. UNE PLUS GRANDE PROXIMITE AVEC LES OPERATEURS ECONOMIQUES Les états généraux de l'industrie prévus dans les semaines à venir seront également l'occasion d'aborder quelques-uns des sujets qui fâchent. On annonce déjà une nouvelle stratégie industrielle moins «centrée» sur les entreprises publiques. On n'évitera pas le thème classique du financement des investissements des PME. Les organisations patronales constatent dans ce domaine quelques avancées notamment à travers l'opération, saluée par elles, de rééchelonnement des dettes bancaires de plusieurs milliers d'entreprises privées. Elles continuent néanmoins de souligner que les moyens financiers importants mobilisés en faveur de la création de micro-entreprises depuis le début de l'année 2011 ne peuvent pas se substituer à une action déterminée en faveur du tissu des PME existantes. Cherif Rahmani vient déjà de leur donner partiellement raison en proposant de recadrer le programme de mise à niveau des PME qui sera moins orienté vers les toutes petites entreprises et d'avantage vers la promotion des «champions nationaux». D'une façon générale, le gouvernement Sellal affiche déjà une plus grande proximité avec les opérateurs économiques et un souci du dialogue qui vient d'être salué par les partenaires sociaux .Une méthode qui tranche avec les nombreuses décisions à l'emporte-pièce des dernières années qui, du frein imposé à l'investissement étranger, au droit de préemption, en passant par l'obligation du recours au crédit documentaire, avaient plongé la plupart des observateurs algériens et étrangers dans la plus grande perplexité.