Les autorités algériennes savaient avant jeudi que le Conseil de sécurité de l'ONU allait voter une résolution autorisant le déploiement d'une force d'intervention internationale au nord du Mali mais donnant aussi sa chance à l'option politique du règlement du conflit qui a leur faveur. Il n'y a donc pas de place pour le hasard dans le fait que sous les auspices de ces autorités, les deux mouvements de la rébellion touareg au nord du Mali, le MNLA et Ansar Eddine, ont conclu vendredi à Alger un accord par lequel ils se sont engagés à collaborer pour faire prévaloir la nécessité d'instaurer le dialogue avec les autorités de Bamako en vue du règlement «pacifique, durable et définitif» du conflit malien. Le casting est incontestablement l'oeuvre de la diplomatie algérienne. En faisant coïncider la signature de cet accord dans lequel ses deux contractants réaffirment sans ambiguïté leur «rejet du terrorisme et de la criminalité organisée sous toutes ses formes» avec la visite en Algérie du président François Hollande et l'annonce du vote de la résolution sur le Mali par le Conseil de sécurité de l'ONU, les autorités algériennes ont fait la démonstration que l'option du dialogue prônée et défendue par elles n'est pas une vue de l'esprit du moment que se sont ralliés à elle les deux groupes armés touareg du nord du Mali. L'Algérie a en somme pris au mot et quelque peu devancé l'invitation au dialogue inclusif lancée par le Conseil de sécurité au gouvernement de la transition du Mali et aux groupes armés touareg acceptant les conditions auxquelles il leur a été demandé de souscrire préalablement. Il est évident que le président Bouteflika a dû informer son hôte français de la présence à Alger des représentants des deux groupes armés du nord du Mali et de l'objet de leur rencontre sous auspice algérien. L'on comprend après coup pourquoi François Hollande a tenu à Alger des propos sur le conflit malien qui ont détonné par rapport à ceux que tenait Paris s'agissant de l'option politique défendue par Alger. Le président français est allé jusqu'à déclarer qu'il faisait «confiance» à ce qu'entreprendra Alger pour rendre possible cette option. La France a certes obtenu du Conseil de sécurité qu'il vote une résolution autorisant le déploiement d'une force d'intervention au nord du Mali, mais elle ne peut ignorer que celui-ci a clairement et nettement laissé la porte ouverte à l'option du dialogue en faisant même la solution à privilégier avant l'engagement militaire et donc que les initiatives dans ce sens de l'Algérie ne contredisent nullement son esprit. Mais maintenant que des acteurs importants au nord du Mali de la crise que vit ce pays ont officiellement exprimé leur disposition à s'engager dans le processus du dialogue et de la négociation, il s'agit d'organiser celui-ci. Ce qui ne dépend plus de ces seuls acteurs. La question est de savoir si à Bamako les conditions son réunies pour l'engager. La balle est incontestablement dans le camp des autorités de la transition du Mali et des forces politiques agissantes du Mali. Or c'est le flou qui prévaut dans la capitale malienne où responsables étatiques, militaires et classe politique sont écartelés sur le choix à faire entre les deux options devant lesquelles le pays est placé. L'ambiguïté qui prévaut à Bamako ne plaide pas en tout cas pour précipiter le déploiement d'une force d'intervention militaire dont on ne voit pas comment il pourrait être coordonné et contrôlé par des autorités maliennes divisées et en total désaccord sur la feuille de route à suivre pour le règlement de la crise malienne. L'Algérie a l'oreille des deux mouvements armés de la rébellion touareg. Elle a du crédit à Bamako. Sa diplomatie n'ignore rien des réalités politiques maliennes et s'est acquis une expertise reconnue en matière de médiation dans les conflits qui ont jalonné l'histoire du Mali depuis son indépendance. Autant d'atouts qu'elle peut utiliser pour aider les Maliens à régler par le dialogue les causes de leur conflit présent. Que les puissances qui ont des desseins inavoués pour ce pays la laissent seulement aller au bout de la logique qui sous-tend l'option du dialogue et de la solution politique.