A deux jours près des discussions projetées pour jeudi à Ouagadougou entre le gouvernement malien et les deux groupes rebelles targuis, MNLA et Ançar Eddine, le «front malien» s'est rallumé pour rappeler que la région est irrésistiblement entraînée vers la guerre. Est-ce un échauffement destiné à montrer les muscles avant le début des discussions ou est-ce une tentative de rendre caduque la rencontre prévue à Ouagadougou ? Toutes les explications sont plausibles sur les raisons du soudain «réchauffement» de la ligne de démarcation qui séparait peu ou prou le nord sous contrôle de différents groupes islamistes et le sud où sont installés les restes de l'Etat malien. Lundi après-midi, on enregistrait un premier accrochage entre des unités de l'armée malienne et des combattants d'Ançar Eddine, sur la route qui mène à la ville de Mopti. C'est le premier accrochage depuis la débandade de l'armée malienne en avril dernier qui a laissé le nord du pays tomber entre les mains des rebelles targuis et des groupes djihadistes. Y a-t-il eu un début d'action de l'armée malienne qui, selon son chef d'état-major, piaffe d'impatience de partir à la reconquête ? Est-ce que les éléments d'Ançar Eddine ont choisi d'agir sans attendre que l'armée malienne n'achève ses préparations à Mopti qui devrait être la base de départ de la «reconquête» ? Le site mauritanien Sahara Média, qui a ses entrées chez les différents groupes présents au nord du Mali, cite des témoins qui affirment que des pick-up appartenant à Ançar Eddine ont fait mouvement vers Mopti «à leur bord des hommes qui ont l'apparence de se préparer au combat». SURENCHERES Alors que les échanges entre Bamako et Ançar Eddine prennent un tour plus dur, le MNLA et le mouvement arabe de l'Azawad ont annoncé à Nouakchott la constitution d'une délégation commune pour participer aux discussions prévues à Ouagadougou. Ils ont appelé dans un communiqué commun les «frères de l'Azawad qui n'ont pas de liens avec le terrorisme à se rencontrer et à se consulter pour parler dans une seule logique et d'une seule voix pour préserver les intérêts supérieurs du peuple de l'Azawad et de toutes ses composantes». Un message apparemment destiné à Ançar Eddine qui a accusé le gouvernement de Bamako de ne pas vouloir négocier sérieusement et a annoncé l'annulation d'une proposition d'arrêt des hostilités. Ançar Eddine a surenchéri en exigeant une autonomie de l'Azawad et la possibilité d'y appliquer la Charia. Ce raidissement est intervenu à la suite des discours guerriers tenus à Bamako par les militaires et par le président malien intérimaire, Dioncounda Traoré, qui a affirmé qu'il n'attendra pas «des mois pour mener une offensive destinée à reconquérir le nord-Mali». La guerre, avait-il indiqué, «va débuter plus vite que ne le pensent certains» et «l'armée malienne va y jouer un premier rôle». La menace semble avoir été prise au sérieux par Ançar Eddine. Des troupes gouvernementales se sont avancées en direction des lignes des islamistes en direction de la ville de Douenzta. PERTURBER LA RECONQUETE ? Les islamistes auraient reculé à la suite des tirs de sommation mais ils auraient repris leurs mouvements vers le sud avec des intentions qui ne sont pas claires. Ce sont des informations venant des sources gouvernementales et elles font état des colonnes de pick-up qui auraient fait mouvement en plusieurs endroits dans la région de Mopti (500 kilomètres au nord-est de Bamako. «Les insurgés avancent et ont été repérés en plusieurs endroits (...) Nous les attendons. S'ils nous attaquent, nous riposterons», indique un responsable militaire malien. Les islamistes auraient atteint la zone de Bourei, à 25 kilomètres du dernier poste tenu par les forces maliennes. Certains affirment qu'ils cherchent à harceler les troupes régulières et les contourner pour mener des opérations plus au sud. Une manière de perturber les préparatifs de la «reconquête» annoncée par le président intérimaire malien. Ançar Eddine s'est abstenu de donner des explications, ni de confirmer l'existence d'un mouvement de ses combattants. «Pour des raisons stratégiques, nous ne disons pas où se trouvent nos combattants. Le gouvernement malien est responsable de ses propos, quels qu'ils soient, sur des mouvements de troupes», a déclaré le porte-parole d'Ansar Eddine, Sanda Ould Boumama.